
Paris, le lundi 2 janvier 2023 – Comme l’Italie et l’Espagne, la France a décidé d’imposer des tests aux voyageurs venus de Chine, touché par une épidémie de Covid-19 d’une ampleur inédite.
Cela restera comme l’un des derniers décrets de l’année 2022. Ce 31 décembre, le gouvernement a publié un texte mettant en place un dispositif de contrôle sanitaire aux frontières avec la Chine. Mercredi dernier, Emmanuel Macron avait en effet demandé au gouvernement de “prendre des mesures adaptées de protection des Français” face à la situation chinoise. Depuis que Pékin a décidé d’abandonner sa drastique politique zéro-Covid le 7 décembre dernier, l’Empire du Milieu est en effet touché par une épidémie d’une ampleur sans précédent. Si le gouvernement communiste se refuse à publier des statistiques officielles, on estime que plusieurs centaines de millions de personnes ont été contaminées en quelques semaines. Un foisonnement épidémique qui créé le risque de l’apparition de nouveaux variants, dont la France souhaite donc se prémunir.
Dans le détail, ce décret prévoit que, depuis ce dimanche, tous les passagers (de plus de 6 ans) d’un vol reliant la Chine à la France sont obligés de porter un masque tout au long du voyage. Mais surtout, à partir de jeudi, toute personne de plus de 11 ans souhaitant aller en France depuis la Chine devra présenter lors de son embarquement un test négatif de moins de 48 heures et s’engager à accepter d’être éventuellement dépisté à son arrivée. Depuis ce dimanche, tous les avions arrivant en France depuis la Chine font l’objet d’un tel dépistage aléatoire. “On va tester le plus possible, sachant que sur un avion, s’il était plein, on partirait plutôt sur un tiers de l’avion qui sera testé” a expliqué ce dimanche le ministre des transports Clément Beaune, qui a annoncé qu’une quinzaine de personnes avait été testé sur le premier vol arrivé ce dimanche.
Les personnes testées positives pourront entrer en France
Les personnes testées positives à leur arrivée en France pourront tout de même entrer sur le territoire français, mais devront s’engager à respecter un isolement de sept jours. “On a tout un système mis en place pour pouvoir les identifier, savoir où ils vont être” a indiqué sans plus de détail le ministre de la Santé François Braun.
Pour le moment, le trafic aérien entre la France et la Chine reste assez limité : six vols par semaine, dix si l’on ajoute les vols en provenance de Hong Kong, soit, selon Clément Beaune, environ 3 000 personnes par semaine (et encore ce total comprend des personnes qui ne font que transiter par la Chine ou la France). Mais le trafic pourrait rapidement augmenter dans les prochaines semaines. Dès le 8 janvier, les sujets entrant en Chine n’auront plus à respecter de quarantaine, ce qui devrait inciter les Chinois, enfermés dans leur pays depuis trois ans, à reprendre les voyages internationaux. Le nouvel an chinois le 22 janvier prochain devrait également augmenter le nombre de voyages, d’où la nécessité de mettre rapidement en place un dispositif de contrôle.
Le décret pris par le gouvernement en cette Saint-Sylvestre présente quelques lacunes. Tout d’abord, il ne sera qu’en vigueur que jusqu’au 31 janvier. En effet, la loi du 30 juillet 2022 ayant mis fin à l’état d’urgence autorise le gouvernement à imposer des tests aux voyageurs “en cas d’apparition et de circulation d’un nouveau variant” mais uniquement jusqu’à cette date. “Si on doit prolonger ces mesures, elles seront prolongées” a précisé François Braun. Deux possibilités s’offriront au gouvernement : soit le vote rapide d’une loi (avec son lot d’incertitudes du fait de la configuration politique de l’Assemblée), soit l’adoption d’un décret qui serait basé sur le pouvoir de police générale du gouvernement, avec cette fois le risque qu’il puisse être contesté et annulé devant la justice administrative.
Un dispositif avant tout pour surveiller les variants
Autre limite du décret : si d’autres pays européens comme l’Italie et l’Espagne ont également mis en place des contrôles sanitaires aux frontières, aucune décision n’a été prise au niveau européen. Une réunion organisée jeudi dernier à Bruxelles pour aboutir à une décision commune n’a rien donné. Une nouvelle conférence doit avoir lieu ce mercredi mais en attendant, les états européens gèrent la situation comme bon leur semble. Libre circulation des personnes oblige, rien n’interdit donc à un voyageur venu de Chine de se rendre dans un autre pays de l’espace Schengen puis en France sans jamais être testé.
Pour certains experts, la mise en place de contrôle sanitaire aux frontières présente une utilité médicale faible et n’empêche pas l’importation du virus en France. “Jamais aucune mesure de contrôle n’a empêché l’arrivée de variants sur le territoire européen” estime ainsi pour sa part le virologue Bruno Lina. Mais comme l’explique le ministre de la Santé François Braun, ce dispositif est avant tout “un contrôle scientifique qui va nous permettre de suivre les différents variants” et de “protéger les Français de l’émergence possible d’un nouveau variant”. Pour le moment, selon les données de séquençage publiées par la Chine et l’Italie (qui testent les voyageurs chinois depuis mercredi), aucun nouveau variant n’a été détecté.
Outre la France, le Japon, l’Inde, la Corée du Sud, les Etats-Unis, l’Australie et le Canada ont également mis en place des obligations de dépistage pour les voyageurs venus de Chine. Le Maroc a pris une décision encore plus radicale en suspendant tous les vols entre son territoire et la Chine à compter de mardi. Quant au Royaume-Uni, il étudie une option pour le moins originale : tester non pas les passagers, mais l’eau des toilettes des avions en provenance de Chine.
Quentin Haroche