
Paris, le vendredi 30 décembre 2022 – Les pays européens et les scientifiques sont partagés sur les mesures à prendre face à l’épidémie chinoise.
Ce vendredi matin, lors d’une brève conférence de presse, la ministre de la santé espagnole Carolina Darias, a annoncé que les voyageurs venant de Chine devront présenter soit un test négatif, soit la preuve d’un schéma vaccinal complet, à partir d’une date encore inconnue. L’Espagne devient ainsi le deuxième pays de l’Union Européenne à rétablir des contrôles sanitaires aux frontières pour les personnes venues de Chine. Mercredi, c’est l’Italie qui avait ouvert le bal, en annonçant que les voyageurs en provenance de l’Empire du milieu seraient systématiquement dépistés à leur arrivée.
Des décisions qui sont la conséquence de la crainte que suscite dans le reste du monde la situation épidémique en Chine. Depuis que Pékin a décidé, le 7 décembre dernier, d’abandonner sa très drastique politique zéro-Covid, le virus circule librement dans le pays. Si les données précises manquent (le gouvernement a décidé ce dimanche de cesser la publication de statistiques officielles), on estime qu’environ 250 millions de Chinois (soit 3 % de la population mondiale) auraient déjà été contaminés ces dernières semaines. La situation inquiète d’autant plus les Occidentaux que Pékin a annoncé que la quarantaine obligatoire à l’entrée en Chine serait abolie à partir du 8 janvier, incitant les Chinois à reprendre les voyages vers l’étranger.
Le gouvernement français « prêt à étudier toutes les mesures utiles »
Pour la plupart des épidémiologistes, cette épidémie d’une ampleur sans précédent génère un risque d’apparition de nouveaux variants, potentiellement plus contagieux et pathogènes que ceux qui circulent actuellement en Occident. « Le fait que 1,4 milliard de personnes soient soudainement exposées au SARS-COV-2 crée évidemment des conditions propices à l’émergence de variants » résume Antoine Flahault, épidémiologiste à Genève. Un risque cependant nuancé par d’autres experts, comme la virologue hollandaise Marion Koopmans qui estime qu’en raison de la faible immunité naturelle et vaccinale des Chinois, « la pression de sélection n’est pas très forte, ce qui pourrait jouer contre la sélection de nouveaux variants ».
Si l’Italie a appelé ses partenaires européens à l’imiter et à tester les voyageurs venus de Chine, la réunion organisée par la Commission Européenne ce jeudi sur la question n’a abouti à rien et aucune décision commune des 27 n’a été prise. En France, le ministère de la Santé se dit « prêt à étudier toutes les mesures utiles » sans plus de précision.
Les scientifiques sont très partagés sur la pertinence de mettre en place des contrôles sanitaires aux frontières. Le virologue Christian Bréchot, ancien directeur de l’Institut Pasteur, appelle les Etats européens à suivre le modèle italien, estimant que « des mesures de tests aux frontières peuvent limiter l’introduction du virus ». Le Dr Jean-Paul Hamon, président d’honneur de la Fédération des Médecins de France (FMF) va même plus loin et demande que toute personne venant de Chine soit placée en quarantaine, même s’il est testé négatif.
Pas de nouveaux variants détectés pour le moment
Mais d’autres experts considèrent ces mesures comme inutiles et prennent comme exemple la première vague Omicron de décembre 2021, quand l’arrêt des vols à destination d’Afrique du Sud n’avait pas empêché le variant de pénétrer en Europe. « Jamais aucune mesure de contrôle n’a empêché l’arrivée de variants sur le territoire européen » estime ainsi le virologue Bruno Lina. Pour l’épidémiologiste Dominique Costagliola, les tests réalisés à l’aéroport comme en Italie « ne servent strictement à rien » car une grande partie des voyageurs testés négatifs ont en réalité probablement été contaminés pendant le vol au contact des passagers positifs.
Connu pour ses positions « rassuristes » durant la pandémie, l’épidémiologiste Martin Blachier va même plus loin et considère que « l’arrivée d’un variant chinois en France ne créera rien de plus grave que les dernières vagues épidémiques » et qu’il est « impossible de contrôler la circulation des variants ». Il rejoint ainsi la position du centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) qui juge ce jeudi que « les infections potentielles » pouvant être importées sont « plutôt faibles » par rapport au nombre de contaminations autochtones en Europe et que les tests à l’arrivée sont par conséquent « injustifiés ».
S’il est en effet probablement impossible d’empêcher le virus de franchir les frontières, dépister les voyageurs venus de Chine a cependant au moins le mérite de permettre de détecter d’éventuels nouveaux variants, alors que Pékin ne publie presque plus de données de séquençage. Les premières informations sur le sujet sont plutôt rassurantes : selon le gouvernement italien, tous les voyageurs testés positifs depuis mercredi ont été contaminés par des variants existants déjà en Europe.
Nicolas Barbet