
Paris, le mercredi 11 janvier 2023 – Selon notre sondage, 58 % des lecteurs du JIM sont favorables à la légalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté.
Le 9 décembre dernier s’est ouverte la convention citoyenne sur la fin de vie, promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Pendant trois mois, 180 citoyens tirés au sort devront se pencher sur la législation actuelle sur la fin de vie, l’état des soins palliatifs et la pertinence de légaliser ou non l’aide active à mourir, quelque soit la forme (euthanasie ou suicide assisté). En découlera un rapport, sur lequel le gouvernement pourra s’appuyer pour élaborer un projet de loi sur la question qui pourrait être examiné en 2023.
Pour certains, les dés sont pipés. En septembre dernier, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est déjà prononcé en faveur de la légalisation du suicide assisté pour les sujets dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme tandis que le Président de la République n’a pas caché être favorable au « modèle belge », notre voisin autorisant l’euthanasie assez (trop ?) largement.
Comme les pays du Benelux, la Suisse, l’Espagne ou certains Etats des Etats-Unis, la France pourrait donc autoriser l’aide active à mourir en 2023. Un saut anthropologique majeur, rendu possible sans doute par le recul de la religion en Occident et l’allongement de l’espérance de vie, qui remettent en cause notre rapport à la mort.
59 % de nos lecteurs opposés à l’euthanasie…en 2018
Dans ce débat qui s’annonce, les professionnels de santé auront évidemment une place centrale à jouer. Eux qui côtoient la mort quotidiennement dans leur métier (en tout cas pour certaine spécialités), ils connaissent mieux que personne ces instants difficiles où le patient ne souhaite plus continuer à vivre. Si l’aide active à mourir venait à être légalisée, c’est évidemment à eux que viendra la lourde tâche d’évaluer le sérieux de la volonté de mourir du patient puis de donner la mort ou d’aider au suicide. Leur avis sur cette épineuse question est donc primordial et les soignants exerçant en soins palliatifs ont plusieurs fois exprimé leur réticence à voir l’euthanasie légalisé.
On sait que, sondage après sondage, les Français dans leur ensemble affichent un soutien assez large à la légalisation de l’aide active à mourir. Le sondage réalisé sur notre site du 20 décembre au 10 janvier semble indiquer que les professionnels de santé partagent désormais cette aspiration. 58 % d’entre eux se disent favorable à la légalisation de l’aide active à mourir, (quelle que soit la forme). Ils ne sont à l’inverse que 38 % à s’y dire opposé (4 % ne se prononcent pas). Preuve que le sujet interpelle les soignants, le nombre très élevé de répondeurs en entre deux réveillons (1253).
Sondage réalisé sur
JIM.fr du 20 décembre 2022 au 10 janvier 2023
Signe que la question taraude le monde médical et plus largement la société depuis bien longtemps, c’est déjà la quatrième fois depuis 2002 que le JIM interroge ses lecteurs sur la question de la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté. Signe également que les mentalités évoluent, c’est la première fois qu’une majorité de nos lecteurs se disent favorables à cette légalisation.
En 2002, 57 % de nos lecteurs étaient opposés à la légalisation de l’euthanasie et en 2014 ils étaient toujours 55 % à ne pas vouloir que le suicide assisté soit autorisé en France. Plus proche de nous en avril 2018, sur une question certes formulée différemment (il était question d’importer le modèle belge et hollandais en France), le non était toujours aussi franc : 59 % ne voulaient pas voir l’euthanasie autorisé dans notre pays.
« Je ne provoquerais jamais la mort délibérément »
Aujourd’hui, l’ensemble des professionnels de santé, quelle que soit leur profession, veulent donc que l’aide active à mourir soit autorisée. Ce sont les infirmiers lecteurs du JIM qui se montrent le plus largement favorables à une telle réforme : 65 % d’entre eux veulent voir l’euthanasie ou le suicide assisté autorisé (33 % de non). Les pharmaciens sont à peine moins décidés : 63 % d’entre eux disent oui à l’euthanasie (33 % de non).
Les médecins (qui pourraient être impliqués directement dans la décision) sont en revanche plus partagés : ils sont 56 % à vouloir que l’aide active à mourir soit rendue possible en France, contre 40 % qui s’y opposent.
Au cœur du grand débat citoyen qui s’annonce sur la question, il y aura donc sans doute également un débat au sein du corps médical lui-même. En septembre dernier, à la suite de l’avis du CCNE, l’Ordre des médecins s’était dit favorable à la légalisation du suicide assisté mais opposé à l’euthanasie et avait rappelé l’importance que le médecin ne garde qu’un rôle d’accompagnateur vers la mort (et non d’effecteur) et puisse bénéficier d’une clause de conscience.
Car au-delà de la question plus générale de l’aide active à mourir, c’est le rôle même du médecin qui est remis en cause, lui qui, à travers le serment d’Hippocrate, jurait jusque-là de ne « jamais provoquer la mort délibérément ».
Quentin Haroche