Ukraine : l’indispensable formation des médecins et des infirmiers à l’échographie d’urgence

Paris, le mardi 17 janvier 2023 – La fierté est plus que vive quand elle s’exprime en une période aussi troublée. « De telles interventions n’avaient jamais été réalisées par nos médecins. Je pense que ce cas sera étudié dans les manuels de médecine ». Ainsi commentait jeudi dernier Anton Gerashchenko, conseiller du ministre de l’Intérieur ukrainien, évoquant la prouesse de chirurgiens de Kyiv (ou Kiev).

Andrew Willow et son équipe sont parvenus à extraire avec succès une grenade de type VOG (n’ayant pas explosé) de la poitrine d’un soldat de 28 ans. L’intervention a dû être réalisée sans électrocoagulation, par crainte que l’engin explose, tandis que des démineurs ont supervisé toute l’opération pour pouvoir agir le plus rapidement possible si nécessaire.

Si la réussite de cette opération unique a été largement saluée par les responsables politiques ukrainiens, la médecine militaire ukrainienne ne manque cependant pas d’expérience et son savoir faire a notamment été salué par le professeur Raphaël Pitti, lors des rencontres internationales de la chirurgie francophone (RICF) à Paris fin novembre.

Plusieurs centaines de structures sanitaires détruites

Néanmoins, la médecine ukrainienne paye quotidiennement un très lourd tribut à la guerre. Hier, selon des informations de LCI, deux femmes médecins ont été tuées dans le bombardement qui a touché la ville de Dnipro. Le jeudi 22 décembre, ce sont quatre praticiens qui étaient blessés alors qu’était touché l’hôpital central de la ville de Vovtchansk. Les structures sanitaires sont en effet régulièrement la cible des bombes (bien que l’attaque des établissements de santé soit considérée comme un crime de guerre).

Ainsi, le 1er janvier, la maternité de Kherson était endommagée par de nouveaux bombardements : aucune victime ne fut heureusement à déplorer. Selon Raphaël Pitti, à la fin de l’année 2022, entre 500 et 700 structures sanitaires ont été détruites dans l’est de l’Ukraine, victimes des ravages de la guerre et de la violence aveugle de l’armée russe.

Du matériel médical régulièrement acheminé via la Pologne

Cependant, outre la présence d’organisations humanitaires sur place, les équipes médicales ukrainiennes reçoivent un important soutien des pays occidentaux et notamment de la France. L’aide est principalement acheminée via la Pologne et est renforcée régulièrement : les Pompiers humanitaires français vont ainsi livrer début février une nouvelle unité mobile de soins.

Cette unité de 28 mètres carrés, déployable en quelques minutes, permet d’apporter des soins urgents, avant le transfert des patients vers les hôpitaux. Outre le matériel médical, des produits de première nécessité sont également régulièrement envoyés, grâce à la solidarité des Français, qui continuent nombreux à participer aux collectes.

Des formations qui sauvent des vies

Mais l’aide prend également la forme de formations expresses des médecins et infirmiers ukrainiens non militaires à cette médecine d’urgence et de guerre à laquelle ils sont confrontés depuis onze mois. Sur le site de l’association Mehad (anciennement Union des organisations de secours et soins médicaux), le témoignage du docteur Konstantine Pashchenko est édifiant.

« Je suis chirurgien pédiatre à l’hôpital de Kharkiv. Nous sommes au cœur des lignes de front. Kharkiv est située à seulement 40 km de la Russie. Tous les jours, les sirènes retentissent et nous alertent des bombes qui peuvent nous attaquer. Il y a trois ou quatre bombardements par nuit. Notre hôpital a été visé par des attaques et a dû être partiellement évacué. (…) Maîtriser les techniques de médecine de guerre est vital pour la survie de nos patients. Nous n’avons pas le temps de faire de multiples examens. C’est impossible. Nous devons agir au plus vite avec les moyens que nous avons. La formation à l’échographie d’urgence proposée par Mehad nous permet de prendre les bonnes décisions au bon moment pour sauver des vies. Clairement, si j’avais reçu cette formation il y a une semaine à peine, j’aurais pu sauver une petite fille atteinte d’une hémorragie. En ces temps troubles de conflit, se former à la médecine de guerre avec Mehad sauve des vies en Ukraine ».

Robots

Le Dr Konstantine Paschenko fait partie des centaines de médecins et infirmiers qui ont reçu grâce à Mehad, au Pr Pitti (fort de son expérience en Syrie) et au Dr Pierre Catoire une formation rapide à l’échographie d’urgence. Ces formations, qui nécessitent d’un point de vue matériel une sonde d’échographie et l’utilisation d’une application sur smartphone, peuvent se dérouler de deux manières.

Régulièrement, le Pr Pitti et le Dr Pierre Catoire se rendent en Ukraine, dans des lieux sécurisés et les coordonnent eux-mêmes. Cependant, elles sont également réalisées à distance : des robots immersifs de présence (du constructeur Awabot) sont utilisés pour permettre aux formateurs d’être au plus près des « étudiants » afin de guider leurs gestes et de répondre à leurs questions comme s’ils étaient là.

Cette technique permet de multiplier le nombre de praticiens sensibilisés. « Une échographie, correctement faite selon les protocoles pour un patient traumatisé, c’est 2 min. Elles sont majeures, car lorsque vous allez avoir un afflux de victimes, la question va très vite se poser. Qui va passer en premier au bloc opératoire ? L’appareil d’échographie, va permettre, au lit du malade, d’identifier en quelques minutes la cause et permettre de commencer le traitement au plus vite. Nous avons formé des personnes qui n’avaient pas l’habitude de cet outil dans un temps très restreint » insiste pour rappeler l’importance de ces formations le Dr Pierre Catoire, médecin urgentiste, formateur Mehad, dans un communiqué de l’association.

Perfectionnement en France

Outre l’échographie d’urgence, d’autres cours sont organisés par Mehad, qui concernent notamment la chirurgie de guerre, les psycho traumatismes et la réponse à l’utilisation d’armes chimiques (fortement redoutée). Parallèlement, des praticiens ukrainiens sont également accueillis en France : le Pr Devauchelle a ainsi reçu trois chirurgiens, avec pour objectif l’amélioration de la prise en charge des blessés de la face.

Cette aide indispensable permet aux médecins ukrainiens de continuer à soigner un peuple quotidiennement meurtri.

Mais jusqu’à quand ?

Aurélie Haroche

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