
Washington, le lundi 24 avril 2023 – La Cour Suprême a levé toutes les restrictions concernant la distribution de la pilule abortive, mais n’a pas mis fin à la bataille judiciaire.
La guerre pour le droit à l’avortement continue aux Etats-Unis. Dans cette guerre, les « pro-choix », qui s’opposent aux « pro-vie », ont remporté une importante bataille ce vendredi : la Cour Suprême des Etats-Unis, plus haute juridiction du pays, a confirmé l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone (aussi connue sous le nom de RU 486), la pilule abortive utilisée avec le misoprostol pour réaliser des IVG médicamenteuses. Les neufs juges de Washington ont décidé de lever toutes les restrictions décidées par des juridictions inférieures : la mifépristone est donc de nouveau accessible sans rendez-vous médical préalable, par correspondance et jusqu’à dix semaines de grossesse.
La bataille de la mifépristone a commencé en février dernier, lorsqu’un groupe de médecins conservateurs pro-vie a saisi la justice pour faire interdire ce médicament utilisé lors de 53 % des IVG aux Etats-Unis et par plus de 5,6 millions d’Américaines depuis son autorisation en 2000 par la Food and Drug Administration (FDA, l’agence du médicament américaine). Ces militants anti-avortement avaient obtenu gain de cause le 7 avril, lorsque Matthew Kacsmaryk, un juge fédéral ultra-conservateur du Texas, a prononcé le retrait de l’autorisation de mise sur le marché de ce médicament. Bien qu’il existe un consensus scientifique pour constater que la mifépristone est sans danger, le magistrat avait conclu que la FDA avait cédé à « d’intenses pressions politiques pour renoncer à ses précautions de sécurité afin de promouvoir l’objectif politique d’élargir l’accès à l’avortement ». Bizarrerie du droit américain, cette décision prise par un juge seul s’imposait en principe à l’ensemble des Etats-Unis.
La bataille judiciaire loin d’être terminée
Cinq jours plus tard, le 12 avril, la cour fédérale d’appel de la Nouvelle-Orléans a en partie annulé la décision du juge Kacsmaryk. Elle a en effet de nouveau autorisé la mifépristone, mais sous certaines restrictions : les femmes américaines ne pouvaient désormais l’obtenir qu’en main propre (et non plus par correspondance), après avoir consulté trois fois leur médecin et seulement pendant les sept premières semaines de grossesse (et non plus dix). Pour rajouter à la confusion, un juge fédéral de l’Etat de Washington, progressiste cette fois, avait dans le même temps ordonné à 16 Etats de ne pas appliquer la décision du juge Kacsmaryk.
La décision de la Cour Suprême de ce vendredi réautorisant totalement la mifépristone a donc mis fin à l’imbroglio judiciaire qui régnait dans le pays, mais pas à la bataille judiciaire autour de ce médicament. En effet, il ne s’agissait qu’une décision provisoire et l’affaire doit désormais être de nouveau examinée au fond par la cour fédérale d’appel de la Nouvelle-Orléans à compter du 17 mai. Tout porte à croire que la question de la légalité de la mifépristone sera donc de nouveau examinée par la Cour Suprême dans les prochains mois.
L’avortement totalement interdit dans 13 Etats
Le verdict de la Cour de Washington a été accueilli avec soulagement par les partisans du droit à l’avortement et notamment par le premier d’entre eux, le président Joe Biden. « Je continue de m’en tenir à l’approbation de la mifépristone de la FDA, qui est basée sur la science et mon gouvernement continuera de défendre l’indépendance de la FDA et son autorité dans l’examen, l’approbation et la régulation des médicaments » a déclaré le chef de l’Etat en réaction à la décision de la Cour Suprême. « Dès demain matin, les patientes pourront de nouveau accéder aux soins dont elles ont besoins et c’est tout ce qui compte aujourd’hui » a commenté le Dr Krystin Brandi, gynécologue et militante pour l’avortement. A l’inverse, le groupe de médecins pro-vie qui a initié cette bataille judiciaire se dit certes déçu mais prêt à continuer le combat : « nous espérons que la FDA finira par rendre des comptes pour tous les dommages qu’elle a causés à un nombre incalculable de femmes et de jeunes filles ».
La décision de vendredi était la première que la Cour Suprême rendait depuis son très controversé arrêt Dobbs du 24 juin dernier, par lequel elle a mis fin à la protection constitutionnel du droit à l’avortement, garanti depuis 50 ans et a redonné aux Etats le droit de légiférer sur l’avortement. Depuis, 13 Etats ont totalement interdit l’avortement, qu’il soit chirurgical ou médicamenteux.
Nicolas Barbet