
New Haven, Connecticut, le samedi 1er juillet 2023 - La société japonaise est en crise. Avec un taux de natalité de 1,34 enfant par femme que rien ne semble parvenir à faire remonter et une espérance de vie de 85 ans, la population paraît devoir inexorablement vieillir et diminuer (de 600 000 âmes par an actuellement !). Or, cela représente un grave problème pour l'économie d’un pays qui se refuse, de longue date, à tort ou à raison, à une ouverture à l'immigration.
Seppuku, seul horizon du vieux
Fort de ce constat, Yusuke Narita, professeur associé d’économie à l'Université de Yale a une proposition détonante : un seppuku général des vieux pour rajeunir la population, diminuer les frais liés aux retraites et aux soins de santé ! Il a déclaré en substance, durant l'un de ses cours : « J'ai l'impression que la seule solution est assez claire. En fin de compte, n'est-ce pas un suicide de masse et un 'seppuku' de masse des personnes âgées ? » Au-delà de ce seppuku volontaire, il plaide également en faveur d'une « euthanasie obligatoire » pour les personnes âgées.
Sans surprise, cette proposition a suscité l'indignation. Mais aussi l'adhésion de certains. Les propos du professeur ont été largement partagés sur les réseaux et font écho à un sentiment que certains jeunes Japonais expriment : « au Japon, le professeur a gagné des adeptes parmi les jeunes mécontents qui pensent que leur progrès économique a été entravé par les personnes âgées au pouvoir » rapporte le New York Post. À Yale, on tente d'éteindre la polémique et la prestigieuse université précise : « les opinions du professeur Narita ne représentent pas les vues du département d'économie ou de l'université de Yale ».
Au New York Times, l'économiste s'est défendu et a affirmé qu’il s’agissait « d’une métaphore abstraite ». Sur twitter, il se fait moins timoré et assène « les choses qu'on vous dit que vous n'avez pas le droit de dire sont généralement vraies ».
Ce n’est pas la première fois que de telles déclarations enflamment le Japon. Déjà, en 2013, le ministre des Finances, Taro Aso, déclarait que les personnes âgées devraient « se dépêcher de mourir » pour épargner à la nation le coût de leurs soins médicaux !
Du suicide de masse au refus de l’allongement de la vie : une antienne d’économiste
Rappelons qu’en France, au début des années 80, une version plus douce (celle du refus de « l’allongement de la vie ») avait été énoncée par Jacques Attali dans l’ouvrage « l'avenir de la vie ».
Dans ce livre d’entretien, l’homme qui murmurait à l’oreille de François Mitterrand expliquait : « dès qu'on dépasse 60/65 ans, l'homme vit plus longtemps qu'il ne produit et il coûte alors cher à la société. D'où je crois que dans la logique même de la société industrielle, l'objectif ne va plus être d'allonger l'espérance de vie, mais de faire en sorte qu'à l'intérieur même d'une durée de vie déterminée, l'homme vive le mieux possible mais de telle sorte que les dépenses de santé seront les plus réduites possible en termes de coûts pour la collectivité (…). Du point de vue de la société, il est bien préférable que la machine humaine s'arrête brutalement plutôt qu'elle ne se détériore progressivement (…) je suis pour ma part, en tant que socialiste (sic), objectivement contre l'allongement de la vie parce que c'est un leurre, un faux problème ».
L’homme réduit à sa dimension utilitaire n’a décidemment pas de beau jour devant lui.
F.H.