
Paris, le jeudi 6 juillet 2023 – Après une diminution lors du premier confinement, les tentatives de suicide ont nettement augmenté chez les jeunes durant le deuxième confinement.
Il y a un peu plus de trois ans lors du premier confinement, alors que l’intégralité des Français était contraint de s’enfermer chez eux pour éviter la propagation de la Covid-19, des premiers cris d’alarme se faisaient entendre pour alerter sur les conséquences sur la psyché des Français de ces restrictions de liberté sans précédent.
Depuis, les études se sont multipliées pour tenter d’évaluer l’impact sur la santé mentale de cette période de crise si particulière. Avec, d’étude en étude, un même constat : si le premier confinement a presque eu un effet bénéfique sur la santé mentale des populations, la prolongation de la crise a fait fortement augmenté l’anxiété, les dépressions et les idées suicidaires chez les Français, notamment chez les jeunes.
Baisse des HTS durant le premier confinement…
L’étude publiée ce mardi dans le dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé Publique France (SPF) confirme cet état de fait. Le travail compare le nombre d’hospitalisations pour tentative de suicide (HTS) en 2020 et au premier semestre 2021 par rapport à 2017-2019, utilisé comme période de référence. Dans l’ensemble, le nombre d’HTS a diminué en 2020, avec environ 80 000 séjours hospitaliers pour tentative de suicide sur l’année, contre plus de 88 000 par an en moyenne sur les années précédentes. Le taux d’HTS est donc passé de 15 pour 100 000 habitants à 13,3 en 2020. La diminution des HTS a été particulièrement forte au cours du premier confinement.
Plusieurs explications sont avancées par les auteurs de l’étude pour justifier ce phénomène. Tout d’abord, la situation de crise que traversait les hôpitaux a pu conduire à une hospitalisation moins fréquente des patients ayant commis une tentative de suicide. Mais les psychiatres estiment avant tout que cet évènement sans précédent a pu créer un effet de sidération et de rassemblement qui a pu véritablement faire diminuer les idées suicidaires dans la population. La généralisation du télétravail et la fermeture des écoles a pu également diminuer le stress de la population tandis le confinement a dans certains cas renforcé les contacts au sein de la famille.
…puis forte augmentation chez les jeunes à partir du deuxième confinement
Si le nombre d’HTS est ensuite resté stable dans le reste de la population, il a ensuite nettement augmenté chez les jeunes âgés de 11 à 24 ans à partir du deuxième confinement pour finalement atteindre des taux « significativement supérieur à la moyenne de 2017-2019 après le deuxième confinement » note Santé Publique France. La situation a été particulièrement dramatique chez les jeunes filles, avec un taux de HTS 1,6 fois supérieur à la période de référence après le deuxième confinement chez les 10-14 ans et 1,3 fois supérieur chez les 15-19 ans.
« La persistance des différentes mesures de restriction sociale adoptées en conséquence de la durée de la pandémie de Covid-19 peut avoir à la longue jouée sur la qualité et la quantité des relations interpersonnelles ; ces mesures de restriction sociales sont survenues sur un groupe d’âge particulièrement exposé aux troubles psychopathologiques, à une étape charnière du développement de leur identité » analysent les auteurs de l’étude.
Autre indicateur particulièrement inquiétant, le recours à des modalités violentes de tentative de suicide a fortement augmenté chez les jeunes à compter du deuxième confinement, marqueur d’intentionnalité de décès. En outre, d’autres études ont permis d’observer une augmentation des appels au centre antipoison pour intoxication volontaire à compter du deuxième confinement.
Les chiffres recueillis par SPF correspondent à ceux obtenus dans d’autres pays occidentaux ayant connu des périodes de confinement (Etats-Unis, Royaume-Uni, Espagne…). Les signataires de l’étude notent « un mal-être persistant chez les enfants et les jeunes adultes » à la fin de la période d’étude en mai 2021. L’étude Epicov de 2021 avait notamment conclu qu’après 12 mois de pandémie, un quart des jeunes filles françaises de 15-24 ans présentaient des symptômes dépressifs. SPF recommande donc de « poursuivre la surveillance » ce qui pourrait notamment permettre de mesurer l’impact du retour progressif à la normale à compter de 2022 sur la santé mentale des populations et notamment des plus jeunes.
Quentin Haroche