Covid-19 : le Royaume-Uni fait le bilan

Londres, le vendredi 3 novembre 2023 – Une commission d’enquête se penche sur la gestion politique de l’épidémie de Covid-19 au Royaume-Uni. Les premiers témoignages sont désastreux pour l’ancien Premier Ministre Boris Johnson.

Avec plus de 230 000 morts en trois ans de pandémie, le Royaume-Uni est le deuxième pays d’Europe ayant déploré le plus de morts de la Covid-19, devant l’Italie (192 000 morts) et la France (167 000 décès), des pays de taille comparable. Maintenant que la tempête est passée, le Royaume-Uni, comme de nombreux autres pays démocratiques, cherche à comprendre comment cette crise historique a été gérée par son gouvernement et son service de santé et comment ce terrible bilan aurait pu être amoindri.

Depuis cet été, une commission d’enquête d’une ampleur inédite (elle organisera des auditions jusqu’en 2026 !) tente donc de faire toute la lumière sur les évènements des trois dernières années outre-manche. Après une première phase consacrée cet été au niveau de préparation du pays, la commission se penche cet automne sur la gestion politique de la crise. Comme de notre côté de la manche, les débats se concentrent essentiellement sur ces journées décisives de février-mars 2020 lorsque, au tout début de la crise, les gouvernements on du prendre des décisions inédites face à l’ampleur de l’épidémie. On se souvient que le Premier ministre de l’époque Boris Johnson avait d’abord voulu adopter la stratégie dite de l’immunité collective et laisser circuler le virus, avant de finalement s’aligner sur la plupart de ses voisins européens en prononçant un confinement strict le 24 mars 2020.

Un « caddie » à la tête du gouvernement

Ces derniers jours, plusieurs anciens conseillers de Boris Johnson de l’époque ont été successivement auditionnés par la commission d’enquête et le moins que l’on puisse dire, c’est que leur témoignage n’est pas élogieux pour l’ancien chef du gouvernement. « C’était la mauvaise crise pour les compétences du Premier Ministre » a simplement résumé Lee Cain, ancien directeur de la communication à Downing Street. « C’était une girouette, pas inquiet de donner l’impression de travailler avec une équipe d’incapables » a lancé Dominic Cummings, son ancien conseiller en chef, qui a enchainé les attaques frontales et les vulgarités tout au long de son audition (il avait lui-même été accusé d’avoir violé les règles du confinement en mai 2020).

En s’appuyant sur les messages qu’ils s’envoyaient à l’époque, les anciens conseillers de Boris Johnson ont décrit un chef du gouvernement incapable de prendre une décision et changeant d’avis au gré de ses discussions et rencontres. « C’est quelqu’un qui repoussait souvent les décisions, prenait conseil auprès de multiples sources et changeant d’avis sur les différents sujets, alors que la pandémie exigeait des décisions rapides » explique Lee Cain, alors que s’affiche un message qu’il avait envoyé à un collègue à l’époque : « il se décide en fonction de la dernière personne consultée dans la pièce, c’est assez épuisant ». A tel point que ses conseillers finiront par le surnommer le « caddie », pour sa propension à dériver et à toujours changer de direction.

Boris Johnson aurait pu tuer la Reine !

Le manque de connaissances scientifiques de Boris Johnson a également été pointé du doigt par ses anciens collaborateurs. A plusieurs reprises, ses conseillers doivent s’y prendre à plusieurs fois pour lui faire comprendre des données scientifiques de base comme le taux d’infection. Dominic Cummings explique ainsi que l’ancien maire de Londres avait très sérieusement demandé à deux médecins si utiliser un sèche-cheveux contre son nez pouvait « tuer le Covid » après avoir vu une vidéo Youtube défendant cette méthode miracle.

L’ancien conseiller du Premier Ministre raconte également avoir eu toutes les peines du monde à convaincre Boris Johnson de ne pas rendre visite à la Reine Elisabeth II, 94 ans à l’époque. « J’étais désespéré et j’ai dit quelque chose comme, si vous avez le Covid et que vous tuez la reine, vous êtes fini » se souvient-il. Boris Johnson sera finalement contaminé en avril 2020 et devra être hospitalisé quelques jours.

Il ressort de cette série d’auditions que Boris Johnson n’aura jamais véritablement réussi à choisir durant la pandémie entre la position prudente consistant à multiplier les restrictions de liberté et une attitude plus libérale. « Il était obsédé par le fait que les personnes âgées devaient accepter leur sort » explique l’ancien conseiller scientifique du gouvernement Patrick Vallance, qui se souvient que l’aile droite du parti conservateur « pensait que les confinements étaient pathétiques et que la Covid correspond juste à la manière pour la nature de s’occuper des personnes âgées ».

Après avoir mieux géré la deuxième partie de la pandémie (notamment la campagne de vaccination), Boris Johnson a finalement dû démissionner en septembre 2022, affaibli notamment par le scandale du Partygate, ces fêtes organisées au 10 Downing Street en plein confinement. Son audition devant la commission d’enquête, ainsi que celle du Premier Ministre actuel Rishi Sunak, sont attendues dans les prochaines semaines. Mais les révélations des derniers jours risquent d’enterrer définitivement la carrière politique du fantasque ancien maire de Londres.

Quentin Haroche

Copyright © 2023 JIM SA. Tous droits réservés.

Réagir

Vos réactions (1)

  • Science et politique : incompatibles

    Le 07 novembre 2023

    L'inculture scientifique semble être la condition essentielle pour faire carrière en politique puisque l'ignorance des politiciens semble proportionnelle à leur succès électoral.
    Cela s'explique : pour réussir, il faut mentir ; croire et faire croire en la valeur performative des contrevérités quand elles sont exprimées avec force ; ignorer surtout les faits quand ils sont contraires à l'idéologie ; et promettre au peuple des rêves plutôt que lui infliger le réel.
    Toute personne raisonnable et sensée, ayant un esprit formé à la science, se détourne forcément de ce milieu.

    Dr P. Rimbaud

Réagir à cet article