
Paris, le vendredi 1er décembre 2023 – La campagne de vaccination contre la grippe commence déjà à ralentir, ce qui inquiète le gouvernement et les pharmaciens.
Il est rare qu’un ministre de la Santé se montre ouvertement critique sur les résultats d’une campagne de santé publique. Ce jeudi sur X (ex-Twitter), le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a clairement exprimé son inquiétude sur les premiers résultats de la campagne annuelle de vaccination contre la grippe saisonnière, démarrée le 17 octobre dernier. « Les chiffres de la vaccination contre la grippe sont médiocres, c’est désormais préoccupant, il nous faut un sursaut, sinon ce sont l’hôpital et les plus fragiles qui vont payer tout cela au prix fort » a ainsi écrit le ministre, qui va connaitre son premier hiver avenue de Ségur.
Médiocres, les chiffres de la vaccination contre la grippe le sont assurément. Au 43ème jour de la campagne, 8,3 millions de doses ont été délivrés par les pharmaciens, soit pour être administrés directement en officine, soit pour l’être par un autre professionnel de santé. C’est 600 000 doses de moins qu’à la même période lors de la précédente campagne de vaccination, soit une baisse de 6,7 %.
Si les courbes de la vaccination en 2022 et en 2023 étaient similaires jusqu’à la mi-novembre, la campagne actuelle a commencé à décrocher il y a deux semaines. « Si rien n’est fait, on finira la saison avec un million de vaccinés contre la grippe en moins que l’an dernier » s’inquiète Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Les pharmaciens appellent à la mobilisation
Plusieurs mesures avaient pourtant été prises pour élargir la vaccination cette année. La période de priorisation de 15 jours, au cours de laquelle seul le public prioritaire pouvait se faire vacciner contre la grippe, a été supprimée, tout le monde ayant accès au vaccin dès le 17 octobre. La vaccination a également été ouverte aux mineurs, même sans comorbidité. Une nouvelle possibilité qui ne fait pas bouger les foules : moins de 1 % des vaccinations concernent des mineurs depuis le début de la campagne.
Comment expliquer cet échec relatif ? Pour Philippe Besset, les Français semblent, deux ans après la grande campagne de vaccination contre la Covid-19, atteints d’une « lassitude vaccinale ». Le pharmacien déplore également le manque de communication des autorités. « Le coup de tocsin n’a pas eu lieu cette année, on a surtout entendu parler de la bronchiolite, de la pénurie de médicaments, des médecins traitants… » déplore-t-il. En réponse, le ministère de la Santé promet dès la semaine prochaine de « mettre en place de nouvelles actions de communication pour booster la vaccination contre la grippe » afin d’« inciter ceux qui ne seraient pas encore vaccinés à sauter le pas » sans plus de précision.
Pour les pharmaciens, en première ligne dans cette campagne vaccinale, il est urgent d’agir pour relancer la machine. « Le temps presse, car la grippe commence à arriver » constate Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Le dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé Publique France (SPF) publié ce mercredi fait en effet état des premiers frémissements de l’épidémie, avec trois régions (Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et PACA) désormais en phase pré-épidémique.
Les vaccinations Covid-19 et HPV également à la traine
Alors que l’hôpital doit déjà faire face à la bronchiolite, à la Covid-19 et, nouveauté cette année, à une augmentation des cas de Mycoplasma pneumoniae, une épidémie de grippe trop virulente aurait des conséquences désastreuses pour le système hospitalier. « Il faut absolument que les pouvoirs publics lancent une campagne pour la vaccination, car mi-décembre ce sera trop tard » exhorte Pierre-Olivier Variot. « Il est encore possible de rattraper la tendance mais c’est maintenant, il reste 15 jours jusqu’au 15 décembre » abonde dans le même sens Philippe Besset.
Les autres campagnes de vaccinations lancées récemment par le ministère de la Santé, qui espérait faire de cette automne celui de la prévention, ne font pas non plus le plein. Seulement 22 % des personnes âgés de 65 ans et plus ont reçu une nouvelle dose de rappel du vaccin contre la Covid-19 depuis le début de la campagne le 2 octobre, contre 70 % des séniors britanniques. La campagne de vaccination des adolescents contre les virus HPV menée dans les collèges ne rencontre pas non plus un grand succès : le ministère de la Santé a d’ores et déjà reconnu que l’objectif de vacciner 250 000 collégiens cette année ne serait pas atteint et à rabaisser son objectif à 150 000.
Quentin Haroche