
Paris, le jeudi 21 décembre 2023 – Au lendemain de son départ du gouvernement, Aurélien Rousseau est salué par les médecins pour son courage politique et son ouverture d’esprit.
C’est un « non-sujet » qui s’est finalement avéré une réalité. Quelques heures après que la Première Ministre Elisabeth Borne a nié la démission du ministre de la Santé, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a confirmé ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Aurélien Rousseau avait bel et bien quitté le gouvernement.
« Il a fait un choix, sans doute pas un choix facile » a déclaré celui qui fut lui aussi ministre de la Santé, sans plus de commentaires. Membre de l’aile gauche du gouvernement, Aurélien Rousseau a voulu, par cette démission, marquer sa désapprobation vis-à-vis du projet de loi sur l’immigration adoptée par l’Assemblée Nationale ce mercredi, dont certaines dispositions reprennent des propositions du Rassemblement National.
Compte tenu du contexte quelque peu houleux de cette démission, ce départ s’est fait en catimini. Pas de cérémonie de passation de pouvoir solennel : l’éphémère ministre, qui ne sera resté en poste que cinq mois en tout et pour tout, a fait ses cartons mercredi matin alors que le Conseil des ministres se tenait sans lui, avant de confier les rennes à Agnès Firmin Le Bodo, actuelle ministre des Professionnels de santé, qui assurera l’intérim.
« Aurélien Rousseau, on avait l’impression qu’il parlait vrai »
Le désormais ex-ministre se contentera d’un simple tweet très neutre comme seule prise de parole : « Merci aux équipes formidables du ministère. Je dois au Président de la République et la Première Ministre l’honneur d’avoir servi la République dans ces fonctions. Merci à eux. Je souhaite le meilleur à Agnès Firmin Le Bodo, femme de talent et d’engagements ! ». Invité à commenter cette démission surprise ce mercredi soir, Emmanuel Macron s’est lui contenté d’indiquer qu’il « respectait la décision d’Aurélien Rousseau » tout en ajoutant que « personne n’est irremplaçable ».
En cinq mois avenue de Ségur, l’énarque et ancien directeur de cabinet d’Elisabeth Borne n’aura pas véritablement eu le temps d’imprimer sa marque ou de prendre des mesures marquantes pour notre système de santé. Il aura cependant laissé une bonne impression auprès de la plupart des représentants des professionnels de santé, qui louent presque unanimement depuis l’annonce de sa démission ses qualités de dialogue et son ouverture d’esprit.
« Aurélien Rousseau, on avait l’impression qu’il parlait vrai, son départ laisse un goût d'inachevé » salue le Dr Sophie Bauer, présidente du SML. Les hospitaliers partagent pour la plupart le même avis sur l’ancien énarque. « Aurélien Rousseau est un homme d’Etat et de convictions, il faisait du bon boulot, il a de l’empathie pour le personnel et il était l’homme de la situation » regrette ainsi le Dr Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France.
Les professionnels de santé saluent également le panache d’Aurélien Rousseau, qui aura eu le courage politique de quitter ses fonctions pour ne pas avoir à remettre en cause ses convictions, courage qui manque malheureusement à beaucoup de nos élus. « Aurélien Rousseau a placé l'honneur et les valeurs de la République au-dessus de son parcours personnel et c'est assez rare sous la Ve République » souligne le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML, qui ne cache pas être lui aussi opposé aux mesures de la nouvelle loi sur l’immigration. « Il a montré qu’il avait des valeurs, c’est le seul qui a posé sa démission » le félicite le Dr Mathias Wargon, urgentiste à Saint-Denis.
Qui sera le prochain ministre de la Santé ?
Au-delà de ces éloges plutôt flatteurs pour Aurélien Rousseau, les médecins regrettent l’instabilité régnante à la tête de la Santé, qui s’apprête à connaitre un quatrième ministre depuis le début du second quinquennat. « Aurélien Rousseau n’a pas eu le temps de marquer son ministère, ça va trop vite » s’agace le Dr Marty. « Il est pénible de changer de ministre tous les six mois à un an » constate amèrement le Dr Anne Wernet, présidente du Snphare.
Reste désormais à savoir qui va remplacer Aurélien Rousseau et remplir cette fonction, apparemment très piégeuse, de ministre de la Santé. Plusieurs noms circulent déjà. Emmanuel Macron et Elisabeth Borne pourraient bien sur faire le choix de la facilité en confortant Agnès Firmin Le Bodo à son poste intérimaire, ou bien faire celui de l’expérience, en rappelant Olivier Véran avenue de Ségur.
Le nom de Frédéric Valletoux, qui devait au départ être nommé ministre en juillet avant qu’Aurélien Rousseau ne lui soit préféré, est également cité, avec cependant un inconvénient majeur : l’ancien président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) est très peu apprécié des médecins libéraux. Le SML a déjà fait son choix : c’est Nicolas Revel, actuel directeur de l’AP-HP et ancien directeur général de la CNAM, qui a ses faveurs. Thomas Fatôme, le Dr Stéphanie Rist ou le Pr Philippe Juvin font aussi parti des ministrables potentiels.
On attend désormais la fumée blanche et le nom du futur ministre. En espérant, quel que soit son nom, pour lui et pour notre système de santé, qu’il restera en poste plus de cinq mois.
Quentin Haroche