Aurélien Rousseau nommé ministre de la Santé

Paris, le jeudi 20 juillet 2023 – Enarque et conseiller d’Elisabeth Borne à Matignon, l’ancien directeur de l’ARS d’Ile-de-France remplace François Braun avenue de Ségur.

Il n’aura pas quitté le gouvernement bien longtemps. Ce lundi, Aurélien Rousseau quittait son poste de directeur de cabinet de la Première Ministre Elisabeth Borne, après 14 mois passé rue de Varenne. Officiellement, il devait devenir directeur général adjoint de la Caisse des dépôts à la rentrée. Officieusement, on le disait gêné par le tournant droitier de la politique gouvernementale, lui l’ancien militant communiste. Mais à peine trois jours après ce départ, l’énarque revient au gouvernement par la grande porte : il a été nommé ce jeudi ministre de la Santé, dans le cadre d’un remaniement ministériel qui doit redonner un nouvel élan au second mandat d’Emmanuel Macron.

Né en 1976 dans le Gard, historien de formation, Aurélien Rousseau a rejoint la haute administration sur le tard après une courte carrière de professeur de lycée, en réussissant le concours de l’ENA à 31 ans. Sortie « dans la botte » (dans les premières places du classement), il a ensuite alterné entre haute administration et cabinets ministériels (il a notamment travaillé pour Manuel Valls et Bernard Cazeneuve) avant d’être nommé directeur de l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Ile-de-France.

En première ligne pendant la crise sanitaire

A ce poste, il développera une forte connaissance des arcanes de l’administration hospitalière, mais surtout de la gestion de crise. C’est en effet lui qui a dû gérer les 15 premiers mois de l’épidémie de Covid-19 dans la région, entre gestion des lits de réanimation et organisation de la campagne de vaccination. Lorsqu’il quittera ses fonctions en juillet 2021, il reconnaitra être au bord du burn-out. « Toutes les nuits je me réveille en pensant à l’allocation des doses de vaccins » avait-il déclaré.

Son expérience du monde médical et hospitalier remontait en réalité à bien plus loin. En 2008, sa scolarité à l’ENA avait été brutalement interrompue par un syndrome de Guillain-Barré, qui l’avait conduit pendant plusieurs mois en réanimation. De cette expérience il avait tiré un livre, « Boucle d’or », paru en 2016, ainsi qu’un amour étrange pour l’odeur du Rivotril, un sédatif utilisé en réanimation, sa « madeleine de Proust ».

Aurélien Rousseau remplace avenue de Ségur le Dr François Braun qui, comme cela était pressenti depuis plusieurs jours, fait donc partie des ministres qui quittent le gouvernement. Il y a un an en juillet 2022, la nomination au poste de ministre de la Santé de ce médecin de terrain, chef du service des urgences de l’hôpital de Metz-Thionville et président du syndicat SAMU-Urgences de France, avait été plutôt bien accueilli et avait suscité l’espoir chez les médecins.

Pendant un an, François Braun sera resté un « invisible »

Mais en douze mois, François Braun n’aura pas réussi à relever les défis qui lui avaient été confiés par Emmanuel Macron. Les mesures de sa mission flash et sa politique de régulation à l’accès aux urgences n’ont pas réussi à résoudre la crise systémique de l’hôpital public français, loin de là et les ponts entre lui et les médecins hospitaliers français se sont définitivement coupés ces dernières semaines avec la grève des PH. Si ses relations avec les médecins libéraux étaient au départ plutôt bonnes, elles se sont par la suite fortement dégradées, avec l’échec des négociations conventionnelles durant lesquelles il s’est montré intraitable et l’adoption de la loi Rist.

Jugé « pas assez politique » dans un contexte très tendu, François Braun aura laissé l’image au sein des cercles politiques d’un ministre trop soumis à son administration. « Il se démène beaucoup, mais les résultats ne sont pas là, il est débordé, il n’imprime pas » expliquait il y a peu un conseiller du gouvernement au journal Le Parisien. Lui-même avait en quelque sorte constaté son échec à se faire une place au sein de l’exécutif en créant en avril dernier avec le ministre de l’Education Nationale Pap Ndiaye (lui aussi remercié du gouvernement) et le ministre de la Transition Ecologique Christophe Béchu le « club des invisibles », le groupe des ministres qui ne parviennent pas à se faire connaitre des Français malgré un portefeuille important. A ce titre, on peut se demander si le départ de l’avenue de Ségur ne sera pas une forme de soulagement pour le Dr Braun.

C’est donc un technocrate qui remplace un médecin, signe que le recours à la « société civile » appelé de ses vœux par Emmanuel Macron il y a un an aura vécu. Aurélien Rousseau va devoir faire face à de nombreux défis : reprise des négociations conventionnelles, pénurie de médecins et désertification médicale, crise des urgences etc. Vaut-il mieux avoir fait l’ENA ou dix ans d’étude de médecine pour résoudre les problèmes des médecins ? Aurélien Rousseau va tenter d’apporter sa réponse à cette question.

Quentin Haroche

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Vos réactions (12)

  • Les lendemains de la la Machine

    Le 20 juillet 2023

    Mieux que les administrolātres telles la Dr Rist ou le député Valletoux, le pouvoir a choisi comme Ministre de la Santé Etc un rouage de la Machine qui gère la santé depuis que les politiques ne s'y risquent plus. On a la garantie de la parfaite homogénéité de la "politique" qui sera conduite.
    Ça baignera dans l'huile, tout fonctionnera au poil.
    Il ne faut pas changer une équipe qui gagne. Qui a dit "même pas vrai" ?
    On trouve là une réponse politique claire, le renoncement à toute velléité de distance critique vis à vis de l'existant. Par cet aveu de faiblesse le pouvoir politique issu de l'élection montre qui est le maître, qui dirige, qui décide.

    Fini le Macron et sa révolution (mdr), voici le Macron de la routine des pesanteurs de la Machine. C'est celle qui marche toute seule, vers l'infini et au delà.
    Longue vie à l'Immortel, qui n'a même pas besoin de se présenter devant l'électeur pour régner.

    Dr G Bouquerel

  • Toujours un gestionnaire

    Le 20 juillet 2023

    Que pouvait faire Braun, homme de terrain pas à sa place dans un ministère où comme partout, les manettes sont tenues par les gestionnaires ? Rien bien sûr, il n'y a aucune capacité gouvernementale à s'écarter de la gestion pour la Santé, qu'il s'agisse de l'Hopital bancal à force de rationalisation et dépeuplé par l'exode massif des soignants, ou de la Médecine de ville accusée de ne pas en faire assez, sans tenir compte des difficultés accumulées par les oukazes et la paperassie de la Caisse.
    On va tout simplement continuer à "gérer" l'ingérable, il n'y a rien dans les cartons du ministère sinon essayer que ça ne coûte pas trop cher. Un énarque, c'est parfait, comme les précédents il va botter en touche. Et tant pis pour la Médecine en France, c'est un miracle quand quelque chose fonctionne encore et qu'on a l'impression, rare il est vrai, que la prise en charge est "normale". Le discours des ministres successifs est que tout se passe "normalement", sauf quelques exceptions sporadiques ici et là de façon passagère. Ce n'est même plus du mensonge, mais un déni total de la situation réelle dans le pays. Les médecins ne sont pas dupes, et la population confrontée aux difficultés de se faire soigner "normalement" l'est de moins en moins.

    Dr A Wilk

  • Ne jetons pas le bébé

    Le 20 juillet 2023

    ... avec l'eau du bain !
    Peu importe que le bonhomme soit un technocrate, s'il arrive à faire fonctionner la machine mieux que les prédécesseurs tous médecins qu'ils aient été.
    Communiste, énarque... pas rassurant ; mais directeur d'une ARS en pleine crise qui a laissé un bon souvenir à ses employés, honnête en avouant un "burn out", et pas de compromission avérée dans un parti sont plus rassurants.
    Maintenant voyons les actes !
    Quant à la capacité de s'imposer dans un gouvernement, il lui faudra 2 qualités : savoir dire "non" à Jupiter et à Bercy, quitte à démissionner avec perte et fracas (je parle de sa carrière d'énarque), et savoir tirer quelques petites choses du ministère de la santé, connu pour être une voie de garage pour les nuls, les bons allant à Bercy...

    Dr f Chassaing

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