
Paris, le vendredi 22 décembre 2023 – Selon Médiapart, la ministre de la Santé par intérim aurait reçu pour 20 000 euros de cadeaux des laboratoires Urgo.
C’est un baptême du feu dont elle se serait bien passée. Vingt-quatre heures à peine après avoir été nommée ce mercredi ministre de la Santé par intérim, en remplacement d’Aurélien Rousseau qui a démissionné pour protester contre l’adoption de la loi sur l’immigration, Agnès Firmin Le Bodo est déjà dans le viseur de Mediapart, journal d’investigation redouté de tous les hommes politiques.
Le site d’information, qui sans doute attendait que la ministre des Professionnels de Santé soit mise dans la lumière pour révéler cette information, a en effet indiqué ce jeudi que l’ancienne députée était visée par une enquête judiciaire ouverte en juin 2023 pour infraction à la loi anti-cadeaux de 1993, qui interdit aux laboratoires pharmaceutiques d’offrir des avantages et des présents aux professionnels de santé et à ceux-ci de les accepter.
Agnès Firmin Le Bodo se serait ainsi vue offerte, toujours selon Mediapart, de nombreux produits de luxe (montres de marque, bouteilles de vin, magnums de champagne, coffrets pour des week-end…) par les laboratoires Urgo dans le cadre de son activité de pharmacienne au Havre entre 2015 et 2020. Le prix de l’ensemble des cadeaux serait estimé à 20 000 euros.
Le groupe Urgo condamné en janvier dernier
Interrogée ce vendredi matin par nos confrères de France Bleu Normandie, la ministre de la Santé par intérim a confirmé qu’elle était belle et bien visée par une enquête judiciaire en cours concernant son activité de pharmacien, avant de se refuser à plus de commentaires. « Permettez-moi de réserver les échanges que je devrais avoir avec les autorités compétentes dans les jours suivants » a-t-elle simplement commenté.
Jeudi soir, le procureur de la République du Havre a également confirmé qu’une enquête avait bel et bien été ouverte en juin 2023 du chef de « perception non autorisée par un professionnel de santé d’avantages procurés par une personne produisant ou commercialisant des produits sanitaires » à l’encontre de six pharmaciens havrais ayant reçu « des gratifications pour un montant total supérieur à 12 000 euros » de la part des laboratoires Urgo. Le procureur n’a cependant donné aucun nom et n’a pas confirmé que la ministre de la Santé par intérim se trouvait parmi les mis en cause, au nom du « secret de l’enquête ».
Cette enquête fait suite à la condamnation des laboratoires Urgo le 27 janvier dernier pour infraction à la loi anti-cadeaux par le tribunal correctionnel de Dijon. Dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le groupe pharmaceutique français avait reconnu avoir offert des cadeaux à de nombreux pharmaciens français en l’échange de l’abandon par ces derniers de remises commerciales pour leurs officines, pour un montant total de 55 millions d’euros selon la direction de la répression des fraudes. Le groupe Urgo avait été condamné à 1 125 000 euros d’amende dont 625 000 avec sursis.
Quelque chose de pourri au ministère de la Santé
L’enquête visant Agnès Firmin Le Bodo constituerait donc, selon Mediapart, le second volet de l’affaire Urgo, la justice cherchant désormais à retrouver les bénéficiaires de ces cadeaux illicites. « Les cas les plus légers (moins de 1 000 euros de gratification ont été classés, tandis que les autres dossiers ont donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire, en juin 2023 » explique Mediapart, qui affirme que la ministre de la Santé par intérim figure « parmi les plus gros bénéficiaires présumés » de cette infraction.
Pour le moment, la Première Ministre Elisabeth Borne n’a pas encore réagi à cette affaire qui écorne, la probité des membres de son gouvernement. Seul le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave a prudemment défendu sa collègue ce vendredi matin sur France Info. « Il faut laisser la justice faire son travail et dire la vérité, l’exemplarité est indispensable et non négociable mais attendons le verdict de la justice » a commenté le ministre.
Après Brigitte Bourguignon battue aux législatives, François Braun remercié au bout d’un an pour incompatibilité d’humeur et Aurélien Rousseau qui démissionne après l’adoption de la loi immigration, voici donc Agnès Firmin Le Bodo mise en cause : il ne fait pas bon être ministre de la Santé dans le second quinquennat d’Emmanuel Macron.
Quentin Haroche