
L’appendicectomie pour appendicite aigüe (AA) est l’une des interventions les plus pratiquées au monde et son impact économique est très important. Un des avantages de la chirurgie ambulatoire est la réduction des dépenses hospitalières. Bien que les interventions urgentes ne soient pas le cœur de cible de l’ambulatoire, dans de nombreuses structures cette modalité d’hospitalisation permet souvent de contourner le problème de la gestion des lits. Les protocoles de réhabilitation améliorée après chirurgie (RAC) et la laparoscopie contribuent au succès de la chirurgie ambulatoire.
Une équipe de Séville (Espagne) a voulu déterminer si une appendicectomie en ambulatoire (hA) était aussi efficace, sure et économiquement rentable qu’une appendicectomie en hospitalisation classique (hC) (1). Se basant sur un taux de réadmission des appendicites opérées variant de 0 % à 8 %, les auteurs ont calculé qu’un effectif de 291 patients était nécessaire pour établir une analyse comparative bilatérale avec un risque α de 0,05 et un risque β de 0,2.
Un essai randomisé sur 300 appendicites non compliquées
Finalement une cohorte de 300 patients âgés de 14 ans et plus, présentant une AA non compliquée a été constituée. Etaient exclues les AA compliquées (dont celles nécessitant la pose d’un drainage en per-opératoire), les grossesses, les cas d’immunodépression ou suspects de cancers, les maladies inflammatoires intestinales ainsi que les patients à haut-risque anesthésique (ASA IV). L’absence d’entourage familial était également une cause d’exclusion. Le choix de la technique chirurgicale (par voie ouverte AO ou laparoscopique AL) était laissé aux opérateurs. Sur le plan technique, la pression d’insufflation était limitée à 12 mm Hg en cas d’AL et les orifices de trocarts étaient infiltrés par une solution anesthésique.
La randomisation per-opératoire séparait les patients en groupe hA (n = 149) et en groupe hC (n= 151). Tous les patients bénéficiaient d’une prise en charge de type RAC avec en particulier restriction des apports intra-veineux, analgésie multimodale et prévention des nausées. Les patients du groupe hC étaient hospitalisés après le passage en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI).
Un score d’Aldrete modifié de 9 ou plus était nécessaire pour la sortie de SSPI. En cas de score < 9, les patients du groupe hA étaient hospitalisés. En cas de chirurgie après 18 heures, les patients du groupe hA étaient hospitalisés jusqu’au lendemain matin. Un suivi par téléphone à 1 mois comportait un questionnaire de satisfaction portant notamment sur la qualité de l’information, du traitement, des locaux ainsi que sur l’impression globale.
Le critère principal de jugement était la sécurité de la prise en charge ambulatoire évaluée sur les taux de mortalité, de complication et de réadmission des deux groupes. Les complications étaient gradées selon la classification de Clavien-Dindo. Les critères secondaires de jugement étaient la réalisation ou non de la prise en charge ambulatoire (et les causes d’échec), le ressenti des patients ainsi qu’une analyse économique.
Efficacité, sécurité, et réduction des coûts
Dans le groupe hA, 128 patients sur 149 (85,9 %) ont pu quitter l’hôpital sans être admis au-delà de 24 heures. Les critères prédictifs de l’échec d’une prise en charge ambulatoire étaient un âge supérieur à 31 ans (RR 2,42 ; IC 95 % 1,04-5,65), une hypertension artérielle (RR 6,21 ; IC 95 % 3,22-11,97), un score ASA II ou III (RR 2,62 ; IC 95 % 1,17-5,94), un antécédent de chirurgie abdominale (RR 3,34 ; IC 95 % 1,55-7,2), une douleur post-opératoire > 6 sur l’échelle visuelle analogique (RR 4,28 ; IC 95 % 2,67-6,86) et une inquiétude par rapport à la sortie (RR 2,2 ; IC 95 % 1,04-4,67). Entre les deux groupes, il n’y avait pas de différence des taux de mortalité (0 % vs 0 %) ni de complications (5,3 % dans le groupe hC vs 4,7 % dans le groupe hA, p = 0,5). Deux patients ont été réadmis et réopérés en urgence dans le groupe hC ; 7 patients du groupe hA ont dû être revus en urgence dont 2 réadmis pour fièvre et hématome de paroi de résolution spontanée, alors que 5 malades étaient admis en observation aux urgences pour des symptômes post-opératoires ne nécessitant pas de réintervention (douleurs, nausées, vomissements).
Concernant la qualité de la prise en charge, le ressenti était similaire dans les deux groupes avec néanmoins un taux de satisfaction par rapport à l’hôpital meilleur pour les patients du groupe hC (p < 0,005). Tous les patients du groupe hA recommandaient une prise en charge identique pour quelqu’un de leur famille. Une étude des coûts montrait une économie moyenne globale de 1 034,95 dollars par patient opéré en ambulatoire (p < 0,001).
Cette étude valide en vie réelle la possibilité de réaliser en sécurité une appendicectomie en ambulatoire avec un bénéfice économique significatif. Les résultats étaient conformes à ceux d’études rétrospectives antérieures mais qui pâtissaient d’une hétérogénéité ou d’effectifs insuffisants ou d’un manque de robustesse statistique (2). Il est à noter que quelques patients du groupe hA ont été revus et surveillés aux urgences après leur sortie mais, de façon pragmatique, ces évènements n’ont pas été retenus comme des échecs.
On aurait apprécié de connaitre le taux de non-inclusion et en particulier de non-possibilité d’ambulatoire (avec sortie avant 18h) pour raisons logistiques (éloignement géographique, contexte social, absence d’accompagnant). En effet, une définition quelque peu discutable de l’ambulatoire (moins de 24 heures) a été retenue ce qui limite un peu la portée du message tout du moins au niveau du grand public.
En pratique, au-delà de cette question sémantique et dans le contexte du manque de lits et des difficultés logistiques d’organisation des blocs opératoires, on sait qu’une prise en charge d’une AA peut être retardée au lendemain matin (et le patient reconvoqué), sans plus de complications post-opératoires qu’une chirurgie immédiate. Le score de Saint Antoine autorise cette pratique depuis plusieurs années et il a été récemment confirmé par l’exclusion des AA perforées d’une prise en charge ambulatoire (3).
Dr Joël Pitre