32 milliards de plus pour la santé : la fake news de Gabriel Attal

Paris, le lundi 15 janvier 2024 – Le nouveau Premier Ministre a annoncé un investissement de 32 milliards d’euros sur cinq ans pour la santé… une somme déjà connue depuis plusieurs mois.

Un déplacement par jour sur le terrain, c’est le rythme soutenu auquel s’est astreint le nouveau Premier Ministre Gabriel Attal depuis sa nomination mardi dernier. Après avoir visité les victimes des inondations, un commissariat et un collège, le chef du gouvernement s’est déplacé sur le thème de la santé ce samedi en se rendant au CHU de Dijon. Il était accompagné de la nouvelle ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin, dont s’était la première sortie officielle depuis sa nomination jeudi dernier.

Le Premier Ministre a tenu à rassurer ceux qui s’inquiètent que la nomination de Catherine Vautrin, peu connue pour son intérêt pour le monde de la santé, à la tête d’un super ministère dans lequel le thème de la santé est placée derrière celui du travail soit le signe d’un désintérêt de l’exécutif pour les questions sanitaires. « Parmi tous les problèmes à résoudre, l’hôpital, évidemment, est en haut de la pile » a ainsi affirmé Gabriel Attal, indiquant que l’hôpital et ses soignants étaient un « trésor national »…une expression qu’il avait déjà utilisée la veille pour parler de l’Education Nationale.

La nouvelle ministre de la Santé en retrait

Tout au long de sa visite du CHU de Dijon, le nouveau chef du gouvernement a été interpellé par plusieurs soignants, qui ont fait état de leur inquiétude face à la crise profonde que traverse l’hôpital public. « Je ne sais pas si vous en avez conscience, mais l’hôpital est en train de mourir » lui a lancé l’un des médecins de l’établissement.

En réponse, le Premier Ministre leur a fait part à plusieurs reprises de sa volonté de sortir de l’hôpital de l’ornière et de renforcer « la coordination avec la médecine de ville pour réduire aussi la pression qui pèse sur l’hôpital ». La nouvelle ministre de la Santé est globalement restée en retrait lors de cette visite, se contentant d’affirmer « vouloir rendre hommage à celles et ceux qui sont mobilisés pour assurer cet accueil des urgences à tous les âges de la vie », une formule quelque peu creuse.

Au moment de quitter l’hôpital dijonnais, le Premier Ministre a tenu à terminer cette séquence par une annonce choc. Il a ainsi promis un investissement de 32 milliards d’euros « supplémentaires » pour le système de santé dans les cinq années à venir. « Je vous le dis, le prochain budget que mon gouvernement aura à présenter sera un budget historique pour l’hôpital public. On rattrape des décennies de sous-investissement et évidemment il faut plusieurs années pour que ça se ressente » a lancé Gabriel Attal, qui a dit également vouloir lancer une réforme du financement de l’hôpital, promesse déjà faite par Emmanuel Macron il y a un an mais qui n’a toujours pas été concrétisée.

32 milliards supplémentaires, le chiffre a de quoi impressionner. Sauf qu’il n’est pas nouveau et que l’annonce du Premier Ministre n’en ait pas vraiment une. En effet, ces 32 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sur cinq ans étaient déjà inscrits dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2023-2027 adoptée par le Parlement en novembre dernier.

Un jeu de dupes peu apprécié des médecins

« Il s’agit de la hausse naturelle des dépenses déjà votée en loi de programmation des finances publiques pour suivre l’évolution de la masse salariale, l’évolution des techniques et l’inflation ; sauf à ce que le gouvernement indique qu’il s’agit de ressources nouvelles, c’est ce qui est prévu au global » indique sur X (ex-Twitter) Arnaud Robinet, président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) et également maire de Reims (où il connait bien Catherine Vautrin, présidente de l’agglomération). Le gouvernement a en effet précisé que les 32 milliards promis par Gabriel Attal correspondait bien à cet investissement déjà voté et allait se traduire par un investissement supplémentaire d’environ 3 milliards d’euros pour l’hôpital en 2024.

Les représentants des médecins hospitaliers n’ont que peu apprécié ce jeu de dupe. Le Dr Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) dénonce un « coup de com » tandis qu’Arnaud Robinet estime que le gouvernement « joue avec les nerfs des hospitaliers et des acteurs du monde de la santé avec ces effets d’annonce qui n’en sont pas du tout ». « Il est d’ores et déjà admis que cette hausse programmée du budget de la santé sera insuffisante, la hausse naturelle des dépenses de santé étant supérieure » s’insurge pour sa part le Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du SNPHARE.

Les soignants espèrent désormais que Gabriel Attal, dont les qualités de communicant ne sont plus à démontrer, passera de la parole aux actes et se souviendra que toutes ses déclarations doivent être pesées au trébuchet.

Quentin Haroche

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