Une journée politique sous le signe de la santé

Paris, le mercredi 17 janvier 2024 – A l’Assemblée Nationale puis à l’Elysée pour la grande conférence de presse, la journée politique de ce mardi aura laissé une grande place aux questions de santé.

Baptême du feu pour Catherine Vautrin. Cinq jours après sa nomination comme ministre du Travail et de la Santé, celle qui n’avait plus occupé un poste ministériel depuis près de 17 ans a renoué avec l’exercice périlleux des questions au gouvernement (QAG) ce mardi à l’Assemblée Nationale. Nombreuses auront été les questions sanitaires abordées lors de cette journée politique chargée, qui s’est terminé à l’Elysée avec la grande conférence de presse d’Emmanuel Macron, à laquelle l’ensemble des ministres, dont Catherine Vautrin, ont assisté.

Constitutionnalisation de l’IVG à gauche, réforme de l’AME à droite

Principale stratégie adoptée par Catherine Vautrin face aux questions des parlementaires : l’évitement. Ainsi, quand le député Liot Christophe Naegelen lui demande quelle mesure elle entend prendre pour pallier la pénurie généralisée de médecins en France, elle se contente de répondre que ses trois « maîtres mots » étaient « accélérer les investissements, concrétiser les modernisations et donner aux professionnels des conditions de travail meilleures ». Quand la députée LR Valérie Bazin-Malgras fustige la fausse annonce du Premier Ministre Gabriel Attal d’un investissement supplémentaire de 32 milliards d’euros pour la santé (les crédits avaient en réalité déjà été votés depuis plusieurs mois), la ministre se contente de rendre hommage aux soignants « qu’ils soient libéraux ou hospitaliers » et de dire vouloir « garantir une offre de soins dans tous les bassins de vie, à chacun, quel que soit son âge ».

Catherine Vautrin a également tenu à rassurer tous ceux qui s’inquiètent des positions conservatrices qu’elle a tenu dans le passé (elle s’était opposée à la légalisation du mariage homosexuel en 2013 et à une loi favorable à l’avortement en 2017) et à démonter qu’elle s’était bien convertie au progressisme macroniste. En ce jour anniversaire de l’adoption de la loi Veil du 17 janvier 1975, la ministre s’est ainsi dite favorable à la constitutionnalisation du droit à l’IVG, alors même que le projet de loi constitutionnel arrive ce mardi en commission à l’Assemblée Nationale. Plus tard dans la journée sur le plateau de la chaine CNews, la ministre a également affirmé qu’elle n’était pas « opposée à l’euthanasie », contrairement à ce qu’ont pu affirmer certains partisans de la légalisation du suicide assisté. Alors que la ministre récupère le dossier épineux du projet de loi sur l’aide active à mourir avec le départ d’Agnès Firmin Le Bodo, Catherine Vautrin a dit vouloir « accompagner ces évolutions avec prudence, dialogue et respect ».

Le nouveau gouvernement de Gabriel Attal a donc donné des gages à la gauche…mais également à la droite. En réponse à une question du député LR Olivier Marleix, le nouveau Premier Ministre a promis que l’engagement pris par sa prédécesseur Elisabeth Borne de réformer l’aide médicale d’Etat (AME) au début de l’année 2024 « sera tenue » et a renvoyé à son discours de politique générale du 30 janvier pour plus de détails. On se souvient que la droite et l’extrême-droite avaient essayé de profiter du projet de loi sur l’immigration pour réduire le périmètre de l’AME aux soins urgents, mais que la majorité présidentielle s’y était opposé.

Natalité et exposition des enfants aux écrans : le flou artistique d’Emmanuel Macron

Enfin, les sujets sanitaires ont également été longuement abordés lors de la conférence de presse d’Emmanuel Macron ce mardi soir. Outre les sujets d’organisation des soins (voir notre autre article du jour: « Le grand oral sanitaire du mauvais élève Macron »), le Président de la République a également abordé plusieurs sujets de santé publique et notamment celui de la natalité. Hasard du calendrier, l’Insee publiait en effet ce mardi son bilan démographique de l’année 2023, qui fait état d’une nouvelle baisse des naissances de 6,6 % sur un an. Seulement 678 000 enfants ont vu le jour en France en 2023, du jamais vu depuis la Seconde Guerre Mondiale.

Afin d’inverser la tendance et d’amorcer un « réarmement démographique » de la France, selon les accents guerriers qu’il a employé, le chef de l’Etat a mis plusieurs propositions sur la table, comme la mise en place d’un « congé de naissance » de six mois, qui doit remplacer le congé parental actuel, plus long (il peut durer jusqu’à trois ans) mais très mal rémunéré. Indiquant que « la natalité baisse aussi parce que l’infertilité progresse », le chef de l’Etat a également dit vouloir lancer un « grand plan de lutte contre l’infertilité » sans plus de précisions cliniques (prise en charge des IST, recherche d’anticoagulant circulant, extension de la PMA…).

Pas plus de détails non plus sur l’autre question de santé publique abordée par le chef de l’Etat, celle de l’exposition des enfants aux écrans, accusée par certains pédopsychiatres d’être néfaste au développement intellectuel des enfants. « Il y aura peut-être des interdictions, peut être des restrictions » a lancé le Président de la République, sans expliquer comment il compte concrètement agir sur un sujet qui relève de la sphère privée des familles. Evoquant un groupe d’« experts » qu’il aurait réuni il y a peu pour plancher sur le sujet, Emmanuel Macron dit espérer que « les meilleurs scientifiques puissent nous dire : avant tel âge, ça n’est pas raisonnable de mettre un enfant devant un écran ». Sur ces sujets de santé publique, le chef de l’Etat ne se sera donc pas départi d’un certain flou artistique.

Quentin Haroche

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