
Paris, le jeudi 18 janvier 2024 – Des milliers de médecins à diplôme étranger ne peuvent plus exercer en France, faute d’avoir réussi le concours de validation des connaissances. Ils demandent désormais leur régularisation.
C’est une petite phrase qui a ravivé l’espoir chez des milliers de praticiens à diplôme hors union Européenne (PADHUE). Ce mardi soir, lors de sa longue conférence de presse, le Président de la République Emmanuel Macron a avancé plusieurs propositions pour remédier à la désertification médicale et aux difficultés d’accès aux soins. Parmi ces mesures, le chef de l’Etat a dit vouloir « régulariser nombre de médecins étrangers qui tiennent parfois à bout de bras nos services de soins » et qui sont laissés « dans une précarité administrative qui est complètement inefficace » a expliqué Emmanuel Macron.
Près de 2 000 PADHUE interdits d’exercer
L’avenir n’a en effet jamais semblé aussi incertain pour les près de 5 000 médecins à diplôme étrangers, en majorité des maghrébins, qui exercent dans les hôpitaux français. La loi dite Buzyn du 24 juillet 2019 était pourtant censée améliorer leur situation administrative. Elle leur avait créé un statut provisoire, celui de praticien associé et leur avait offert une voie vers la régularisation, celle des épreuves de vérification des connaissances (EVC), un examen censé prouver que le médecin étranger est capable d’exercer dans un établissement de santé français.
Après une période de transition de plusieurs années où certains médecins étrangers pouvaient être titularisés sans passer les EVC, le passage de l’examen est désormais obligatoire. Problème : lors de la dernière session d’examen en 2023, plus de 80 % des médecins étrangers qui l’ont passé n’ont pas validé l’épreuve. Depuis le 1er janvier dernier, ils sont donc près de 2 000 praticiens formés hors d’Europe à être interdit d’exercer dans les hôpitaux français et à risquer, en théorie, d’être expulsés du territoire français.
Une situation dénoncée par le syndicat national des PADHUE bien sûr (SNPADHUE) mais également par la CGT et l’association des médecins urgentistes de France (AMUF), bien conscient que nombreux sont les hôpitaux français, notamment en Ile-de-France, qui ne tiennent que grâce aux renforts de ces médecins étrangers désormais interdits d’exercer et menacés d’expulsion. Peu à peu, la mobilisation prend de l’ampleur. Une pétition mise en branle par les syndicats a été envoyée au gouvernement samedi dernier et les médecins étrangers et leurs soutiens manifesteront ce jeudi devant le ministère de la Santé, deux mois après un précédent rassemblement.
« Sans les médecins étrangers, le système de santé s’effondre »
Au lendemain de l’intervention d’Emmanuel Macron, le journal Le Point publie par ailleurs ce mercredi une pétition signée par 220 médecins, à diplôme français ou étranger, pour rappeler que « sans les médecins étrangers, le système de santé s’effondre ». Les auteurs de la tribune rappellent que beaucoup de ces médecins non-européens exercent déjà, dans les faits, un rôle de titulaire dans les hôpitaux français. « S’il n’y avait pas ces petits arrangements entre amis, parfois à la limite de la légalité, il n’y aurait pas de médecin de garde dans de nombreux services d’urgence, pas de radiologue pour aider au diagnostic, pas de chirurgien pour opérer la nuit, pas d’anesthésiste pour les endormir » écrivent-ils.
Des médecins dénoncent l’extrême difficulté des épreuves auxquels sont confrontés leurs confrères étrangers. « Dans certaines spécialités, les candidats ont été recalés avec plus de 15 de moyenne. Nous sommes pour l’excellence des médecins en France, il est normal d’exclure ceux qui n’ont pas le niveau. Mais ne demandons pas à nos collègues étrangers d’être meilleurs que nous » avancent les auteurs de la tribune. Les syndicats demandent maintenant au gouvernement de maintenir provisoirement tous les PADHUE à leur poste, pour ne pas entraver le bon fonctionnement des hôpitaux qui comptent sur eux et de mettre en place une commission pour accorder, au cas par cas, des autorisations d’exercice définitive.
Avant même la dernière déclaration d’Emmanuel Macron, les autorités ont déjà commencé à esquisser des mesures pour remédier à cette situation complexe et insatisfaisante pour tout le monde. La loi Valletoux du 27 décembre dernier prévoit ainsi d’accorder aux PADHUE recalés aux EVC une autorisation d’exercice d’un an leur permettant de repasser le concours…à condition de passer d’abord devant une énième commission, qui n’a toujours pas été mise en place. Par ailleurs, le projet de loi sur l’immigration, adoptée le 19 décembre dernier mais pas encore promulgué, prévoit de créer une carte de séjour spécifique pour les médecins étrangers. Histoire de complexifier encore un peu plus une situation inextricable.
PS : Certains mauvais esprits pourraient s’étonner que des praticiens recalés à un examen (dont le niveau de difficulté a sans nul doute était calibré par les autorités académiques) soient repéchés au seul motif qu’il en a n’y a pas d’autres de disponibles sans tenir compte du risque pour la santé des patients.
Quentin Haroche