
Paris, le mardi 23 janvier 2024 – Comme l’avait promis le Président de la République, le ministère de la Santé a décidé d’autoriser provisoirement les médecins étrangers recalés aux épreuves de vérifications des connaissances (EVC) à exercer. Mais leur situation reste précaire.
Certains y verront une marque de pragmatisme bienvenue, alors que de nombreux établissements de santé manquent de bras. D’autres un certain nivellement par le bas et un renoncement, les résultats d’un concours étant purement et simplement ignorés. Toujours est-il que le gouvernement a finalement tranché et que le ministère de la Santé a annoncé ce lundi par un communiqué que les praticiens à diplôme étranger hors Union Européenne (PADHUE) qui n’ont pas réussi à passer la session 2023 des épreuves de vérifications de connaissance (EVC) vont finalement être autorisées à continuer à exercer.
Cette décision est tout sauf une surprise. Le communiqué de la ministre de la Santé Catherine Vautrin précise d’ailleurs qu’elle ne fait que traduire « le souhait du Président de la République ». Lors de sa conférence de presse du 16 janvier dernier, Emmanuel Macron avait en effet dit vouloir « régulariser nombre de médecins étrangers qui tiennent parfois à bout de bras nos services de soins » et mettre fin à leur « précarité administrative qui est complètement inefficace ».
Depuis la loi dite Buzyn du 24 juillet 2019 (qui soit dit en passant, a été adoptée sous la présidence d’Emmanuel Macron), les PADHUE se trouvent en effet dans une situation administrative complexe. Pour pouvoir exercer en France, ils doivent en effet passer un concours spécifique, les EVC. Jusqu’à il y a peu, les médecins étrangers ayant échoué au concours pouvaient tout de même exercer en établissement de santé via divers contrats précaires et même être titularisés via la complexe procédure dite du stock. Ces systèmes dérogatoires ont cependant pris fin au 1er janvier dernier et les médecins recalés aux EVC ont désormais en principe l’interdiction d’exercer et sont donc, en théorie, expulsables, leur titre de séjour étant généralement lié à leur activité de médecin.
Problème : avec environ 2 700 postes ouverts pour plus de 20 000 candidats (les médecins résidants à l’étranger pouvant également passer le concours), les EVC sont particulièrement sélectifs, notamment dans certaines spécialités. Une difficulté dénoncée par les syndicats de praticiens hospitaliers, français comme étrangers. « Dans certaines spécialités, les candidats ont été recalés avec plus de 15 de moyenne, ne demandons pas à nos collègues étrangers d’être meilleurs que nous » dénonçaient plusieurs médecins dans une tribune de soutien aux PADHUE publiée mercredi dernier.
Repéchés par le Président
Résultat, plus de 2 000 praticiens étrangers résidants en France et recalés au concours se sont retrouvés dans l’interdiction d’exercer depuis le 1er janvier dernier. Leur mobilisation (ils ont multiplié les manifestations ces dernières semaines) aura donc fini par payer, le gouvernement acceptant de les régulariser (provisoirement). Mais on ne pourra que s’étonner que les résultats d’un concours soient tout simplement gommés d’un trait de plume du Président de la République.
La décision du gouvernement ne met cependant pas fin à la situation de précarité de ces médecins étrangers recalés. Le communiqué du ministère de la Santé indique en effet que cette autorisation d’exercice provisoire vaudra jusqu’à « publication des textes d’application de la loi du 27 décembre 2023 ». Cette loi, plus connue sous le nom de loi Valletoux, va en effet permettre « la délivrance d’attestations provisoires d’exercice dans l’attente d’un nouveau passage des EVC en 2024 ». Le provisoire va donc être remplacé par du provisoire. Et histoire de complexifier encore un peu plus cet imbroglio administratif, la loi immigration, qui devrait être promulguée dans les prochaines semaines, prévoit de créer un titre de séjour spécifique pour les médecins étrangers.
PS : une pensée émue pour les praticiens correcteurs des EVC dont le travail a été considéré comme quantité négligeable.
Quentin Haroche