90 - 90 - 90 pour 2020?

90 % de sujets atteints diagnostiqués, 90 % de ces sujets sous traitement et 90 % de ces sujets avec une charge virale indétectable, est l'objectif 2020 des Nations Unies en matière de SIDA. L'Europe parviendra-t-elle a relevé le défi?

Tel était le thème de la communication présentée par Michel Kazatchkine, envoyé spécial du sécrétariat général des Nations Unies, lors de la cérémonie d'ouverture de la 15èmeconférence européenne sur le SIDA, organisée par l'European AIDS Clinical Society.

Le défi est de taille, car comme l'a souligné Michel Kazatchkine lors d'une conférence de presse officielle "Il n'y a pas qu'une seule Europe", rappelant ainsi que la région Europe de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) couvre 53 pays. "En réalité, il y a trois entités Europe - Europe de l'Est, Europe centrale et Europe de l'Ouest – et chacune de ces entités Europe est confrontée à des épidémies différentes, des manières de les aborder différentes et des niveaux de succès différents."

Comme mentionné dans sa communication, l'Europe de l'Ouest semble avoir tous les atouts nécessaires pour s'opposer efficacement au VIH ce dont témoigne la stabilité du niveau global de nouvelles infections au cours de la dernière décennie. Cela ne reflète cependant pas toute la réalité puisque dans le même temps ce niveau a augmenté chez les homosexuels et pour l'heure nous n'apprécions pas encore pleinement l'influence de l'afflux de migrants venant de pays à haute incidence de VIH.

La leçon à en tirer est qu'il ne suffit pas de bénéficier d'une couverture maladie universelle, d'excellentes structures de soins de VIH et d'un niveau élevé d'empathie, d'acceptation et de soutien social pour gagner la bataille. La prévention ciblée reste une arme de choix.

Cela étant dit l'Europe de l'Ouest est infiniment mieux armée que l'Europe de l'Est où l'épidémie ne cesse de croître, certes en grande part sous forme de foyers épidémiques non contrôlés, mais circonscrits chez les utilisateurs de drogues injectables, mais aussi de façon plus large et plus inquiétante par transmission sexuelle chez les hétérosexuels des deux sexes. La situation est d'autant plus préoccupante que les structures de prévention sont notoirement insuffisantes et que l'accès aux moyens permettant de limiter l'expansion de l'épidémie est très limité. Il faut par ailleurs signaler que dans cette partie de l'Europe, la collaboration entre les Etats et les organisations non gouvernementales peut au mieux être qualifiée de très faible, ce qui entrave considérablement la mise en place de stratégies de prévention efficaces.

La situation en Europe centrale est complexe. La bonne nouvelle est que la prévalence du VIH est faible, mais la mauvaise est que l'incidence augmente progressivement dans plusieurs Etats. Globalement l'épidémie reste pour l'instant concentrée chez les homosexuels et les utilisateurs de drogues injectables, mais la réticence des Etats à supporter le coût des actions dirigées vers ces groupes vulnérables ne permet pas de bien augurer de l'avenir si rien ne change. Pour mémoire, l'adhésion de la Roumanie à l'Union Européenne en 2007 a progressivement tari les subsides accordé par le Fond Global de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, avec comme conséquence brutale (moins de 2 ans) le passage d'un état endémique minimal à une flambée d'incidence chez les drogués.

Ces trois états des lieux montrent que beaucoup reste à faire. Deux régions d'Europe semblent à même d'atteindre les objectifs 90 - 90 - 90 en 2020 pour autant que les indispensables efforts de prévention et de prise en charge se mettent en place. "Si nous n'intensifions pas nos efforts endéans les cinq qui viennent, nous ne serons pas sur le chemin de la victoire contre le SIDA" a déclaré Michel Kazatchkine.

Dr Jean-Claude Lemaire

Référence
European AIDS Clinical Society (EACS) 2015 (Barcelone) : 21-24 octobre 2015.

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