
Dans sa rubrique consacrée aux courriers des lecteurs, le British Journal of Psychiatry (BJP) publie la réaction d’un psychiatre à un article antérieur[1] soulignant le bénéfice apporté par l’électroconvulsivothérapie (ECT). Selon ce lecteur, les données scientifiques ne plaideraient pas pour « généraliser l’expérience personnelle de l’auteur[2] » de ce texte favorable à l’ECT ni pour considérer cette technique comme systématiquement efficace contre la dépression.
Pour appuyer la controverse, ce lecteur du BJP rappelle qu’aucune étude contrôlée par placebo sur l’ECT contre la dépression n’a été menée depuis 1985 et que, selon une revue de la littérature médicale effectuée en 2019, la plupart des 11 études considérées comme apportant la preuve de l’effet de l’ECT comparativement à une ECT simulée (sham ECT controls), étaient mal conçues sur le plan méthodologique ; de plus elles n’impliquaient ensemble que 224 patients traités par une ECT (effective) et 187 témoins par une ECT (fictive), autrement dit des effectifs numériques trop faibles pour confirmer une efficacité présumée.
Appel à des études scientifiques rigoureuses
Aussi les auteurs de cette méta-analyse de 2019 estimaient-ils que la recherche suggère à peine les avantages à court terme de l’ECT et ne donne aucune indication d’un bénéfice à long terme, en matière de réduction du suicide ou d’une plus grande efficacité chez les patients âgés. Plus préoccupant encore, pour ce lecteur du BJP, est le constat d’une mortalité et de dommages cognitifs fréquents liés à l’ECT. Cependant note-t-il, si le terme « ECT » était remplacé (dans la publication en faveur de l’ECT) par « thérapie par coma à l’insuline », les lecteurs s’insurgeraient contre les allégations de bénéfice et l’absence de mention du danger concernant le traitement proposé. Alors qu’avec l’ECT, les psychiatres se contentent d’accepter de l’utiliser malgré la rareté des données d’efficacité et de sécurité.
Ce lecteur poursuit son réquisitoire contre l’ECT par un grief contre le BJP : « Le British Journal of Psychiatry semble se contenter de publier des opinions pro-ECT malgré le manque de preuves. » Or cette affirmation présentant l’ECT comme « l’un des traitements les plus efficaces de toute la psychiatrie » devrait être nuancée par une « publication scientifique rigoureuse. » Et ce lecteur du BJP de conclure sa correspondance par un appel à de grands essais bien conçus et contrôlés par placebo sur l’ECT.
[1] Tania Gergel: ‘Shock tactics’, ethics and fear: an academic and personal perspective on the case against electroconvulsive therapy. Br J Psychiatry 2022; 220-03: 109–112.
[2] Elle-même traitée dans sa jeunesse (« après plus d’un an d’échecs thérapeutiques et d’hospitalisations ») par des séances d’ECT, vécues comme un « remède miracle » lui permettant de « se réengager dans la vie et de retourner à l’université pour terminer ses études. »
Dr Alain Cohen