Environ 1 % des enfants sont victimes chaque année d'abus sexuels. Ceux-ci peuvent survenir à l'intérieur ou à l'extérieur du cadre familial et sont le plus souvent perpétrés par des hommes. Des adolescents en sont responsables dans
20 % des cas, mais aussi des femmes en particulier lors des gardes d'enfants. Les garçons sont aussi souvent victimes que les filles. Les pédiatres peuvent rencontrer de telles situations au cours de leur pratique quotidienne et doivent pouvoir y faire face.
Un abus sexuel se définit comme une activité sexuelle impliquant un enfant qui ne peut pas comprendre, ne peut pas donner son consentement et/ou comme une activité qui viole les tabous légaux et sociaux. Ceci inclut tout contact oro-génital ou anal ainsi que l'exhibitionnisme, le voyeurisme et l'utilisation de l'enfant à des fins pornographiques. Il est à différencier du jeu sexuel que l'on observe souvent chez les enfants du même âge.
Les enfants sont vus par le pédiatre dans différentes situations : à l'occasion d'un examen systématique ou pour une affection qui peut inclure le diagnostic d'abus sexuel comme diagnostic différentiel ; amené par ses parents à la suite d'un abus sexuel supposé ; amené par un tiers appartenant à un service social ou judiciaire pour une "évaluation médicale" lors de son enquête.
Dans le premier cas, le diagnostic d'abus sexuel et la protection de l'enfant va dépendre de la décision du pédiatre. Les symptômes présentés peuvent être très généraux (troubles du sommeil, énurésie, encoprésie, phobies...). Des douleurs génitales ou rectales, des saignements, des infections sont plus évocateurs, ainsi que les maladies sexuellement transmissibles, et un comportement sexuel prématuré. Le diagnostic doit pouvoir être envisagé par le pédiatre qui doit alors informer de façon urgente, calme et neutre la famille. Celle-ci peut en effet ne pas envisager cette possibilité et le pédiatre doit insister sur l'éventualité de ce diagnostic. Dans certains cas, il faut protéger l'enfant et l'information des parents peut être retardée en attendant l'établissement d'un rapport et des mesures de protection socio-légales.
L'histoire clinique détaillée est nécessaire. L'entretien avec l'enfant doit être le moins directif possible et dénué d'affects. L'enfant peut s'exprimer à l'aide de dessins, de poupées et dans la mesure du possible, il sera interrogé en l'absence de sa famille. Les parents peuvent refuser, mais ceci n'est pas suffisant pour arrêter les investigations.
Un examen médical complet de l'enfant est nécessaire dans les meilleures conditions psychologiques. Si un viol est suspecté au cours des 72 heures précédentes, l'examen clinique devient urgent. Tout signe de traumatisme doit être particulièrement documenté, en particulier au niveau de l'appareil génital, la bouche, les seins, les fesses et l'anus. Des procédés invasifs ne sont pas nécessaires chez l'enfant.
Des examens bactériologiques et sérologiques non systématiques, seront fonction des résultats de l'examen clinique et du degré de suspicion de contacts oraux, génitaux ou rectaux. La présence de sperme, de phosphatases acides, de culture positive à gonocoque ou de tests positifs de syphilis rendent le diagnostic certain, même en l'absence d'arguments cliniques. Le diagnostic différentiel inclut les traumatismes génitaux, certaines malformations congénitales et infections.
Rôle important du pédiatre
En cas de doute un compte rendu s'impose aux autorités responsables des abus sexuels. En raison du risque important de référé en justice un rapport détaillé, des dessins ou la prise de photos sont nécessaires.
Ces enfants doivent aussi être examinés par un psychiatre afin d'évaluer les conséquences thérapeutiques. Celles-ci dépendront du type et de la durée du préjudice, de l'âge de l'enfant ; une prise en charge familiale peut aussi être nécessaire.
Le pronostic est d'autant plus mauvais que la relation avec l'agresseur est plus proche, les contacts plus violents et la durée plus longue.
Le pédiatre joue un rôle important dans l'approche multidisciplinaire de ce problème et doit être compétent dans la reconstitution de l'histoire, l'examen clinique initial, le choix des examens de laboratoires, le diagnostic différentiel et la prise en charge sociale, juridique et psychologique.
Nicole Triadou
Krugman R.D. et coll. : "Guidelines for the evaluation of sexual abuse of children". Pediatrics, 1991 ; 87 : 255-260.
TRIADOU NICOLE