Accès limité aux COXIBS: l'Espagne montrée du doigt

En Espagne, les malades atteints d'arthrose ou de polyarthrite rhumatoïde (PR) sont confrontés à un problème grave. En effet, le Ministère de la Santé limite le libre accès aux médicaments anti-inflammatoires nouveaux, tels les COXIBS. Le 1er juillet 2002, le gouvernement espagnol a décidé de restreindre leur prescription, sur des arguments principalement économiques. La limitation a pris la forme d'un «visa d'inspection», une procédure administrative qui in fine empêche le malade d'accéder à ces médicaments. La procédure impose au praticien d'associer à son ordonnance une note écrite qui stipule le diagnostic, mais aussi la dose et la durée du traitement. Le patient doit alors communiquer ces informations à un inspecteur de la santé qui a la charge de vérifier le diagnostic d'arthrose ou de PR, puis d'autoriser la prescription.

Les COXIBS constituent une innovation thérapeutique dans le domaine des anti-inflammatoires, car ces médicaments diminuent la fréquence des accidents gastro-intestinaux sérieux liés à l'administration des AINS conventionnels. Du fait de leur valeur et de leur prix plus élevés, la Société Espagnole de Rhumatologie, la Société de Médecine Familiale et Communautaire et le Ministère de la Santé se sont mis d'accord pour définir le profil adapté à ces médicaments au travers de documents du type «utilisation rationnelle des COXIBS» (notamment patient âgé de plus de 65 ans, risque potentiel de complications gastro-intestinales sérieuses, exposition aux anticoagulants per os ou aux corticoïdes, maladie associée sérieuse).
La mise sur le marché de ces nouveaux médicaments représentait un espoir pour des milliers de malades atteints de ces pathologies rhumatismales, consommateurs obligés de doses élevées d'AINS classiques nécessairement associés aux «protecteurs gastriques». Or, la procédure administrative complexe qui a été mise en place signifie que le malade ne peut accéder à ces médicaments que dans un délai compris entre 4 et 15 jours. Les médecins eux-mêmes se refusent à écrire le rapport qui doit accompagner l'ordonnance, en invoquant le manque de temps pour accomplir cette tâche. L'impact du laissez-passer de l'inspection a été considérable en Espagne. Il a été présenté à l'opinion publique comme un succès énorme. L'Espagne est ainsi devenue le seul pays d'Europe à limiter l'accès à ces médicaments nouveaux. Enfin, il faut souligner que l'instauration du visa d'inspection a été menée dans le pays d'une manière fort inégale.

Dans une circulaire interne envoyée par la Société Espagnole de Rhumatologie à ses membres, en septembre dernier, il apparaît clairement qu'il n'existe aucune raison, d'ordre scientifique ou médical, pour justifier les restrictions d'accès à ces médicaments. Les arguments utilisés sont purement financiers. La circulaire conclue que les critères bureaucratiques ne doivent en aucun cas conduire à l'exclusion des malades susceptibles de tirer un bénéfice du recours à ces médicaments. La Société Espagnole d'Orthopédie, de Chirurgie et de Traumatologie a également fait une communication à l'intention de ses membres, selon des termes identiques à ceux de la Société Espagnole de Rhumatologie.

Cette décision de restriction de prescription a été largement commentée auprès du public et des médias par les représentants de la Ligue de Rhumatologie Espagnole. Elle a été également largement critiquée dans le Bulletin Interne de cette Ligue et totalement rejetée, car elle conduit à une discrimination intolérable au sein de la population espagnole. Elle est dénoncée auprès de tous les représentants de l'EULAR, dans l'espoir d'obtenir le soutien de ceux-ci.

Dr Jean-Louis Mirandole

Paulino J. :"Limited access to new drugs in Spain." EULAR, 18-21 juin 2003 ; Lisbonne.
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