Les échecs des thérapeutiques anti-démentielles donnent encore
plus de poids aux approches préventives dans ce domaine. De
nombreuses études épidémiologiques ont précisé depuis plusieurs
années neuf facteurs de risques modifiables. L’Alzheimer's
Association International Conference (AAIC) considère qu’un
tiers des démences pourrait être ainsi prévenu. La meilleure
maitrise des facteurs de risque cardiovasculaire et l’élévation du
niveau d’éducation ont déjà eu un impact sur la prévalence des
troubles cognitifs démentiels. Les différentes études montrent que
le poids de ces facteurs reste cependant limité en dehors de l’âge
et du risque lié à l’apo E4 pouvant relativiser la prévention.
Plusieurs présentations aux JNLF ont porté sur l’impact des
facteurs nutritionnels et de l’activité physique.
Des bienfaits des AG à longue chaîne polyinsaturés ω3
Le Pr Sophie Laye, responsable du laboratoire Nutrineuro à
Bordeaux, a fait une mise au point sur les données fondamentales
expérimentales en faveur d’un rôle bénéfique des acides gras à
longue chaines polyinsaturés ω3. Ces composants présents
naturellement dans les poissons et les noix ont fait l’objet de
beaucoup d’attention (notamment le DHA et le PHA) de la part des
nutritionnistes. Ces acides gras sont des constituants majeurs des
membranes dans le cerveau et la rétine. Des données
épidémiologiques ont rapporté qu’il existait une relation inverse
entre la consommation de poissons et la dépression, une diminution
de la concentration en ω3 dans le cerveau et le sang chez les
patients dépressifs, et avec des troubles cognitifs. Cependant, on
n’a pas pu démontrer d’effet thérapeutique de la supplémentation
par des essais interventionnels. Le Pr Laye a ensuite développé les
nombreuses données expérimentales montrant l’implication de ces
composés dans l’activité inflammatoire de la microglie et la
plasticité synaptique via le système endocabinnoïde.
Des résultats contradictoires
L’effet de l’activité physique a été l’objet d’une controverse
au cours de la séance commune des sociétés française et belge de
neurologie. En effet, les données épidémiologiques rétrospectives
ont clairement identifié la diminution de la prévalence chez les
personnes pratiquant une activité physique justifiant la
réalisation d’essais thérapeutiques interventionnels. Mais deux
grandes études ont été publiées avec des résultats
discordants.
L’étude française MAPT avait généré beaucoup d’espoirs. Les
sujets fragiles ont été inclus dans 4 groupes (placebo,
supplémentation en ω3, activités multidomaines, activités
multidomaines + ω3). Au total, 1 525 patients avaient été inclus
dans l’analyse en intention de traiter. Malheureusement cette étude
a été négative ou presque sur tous les critères principaux et
accessoires.
L’étude finnoise FINGER a porté sur 2 654 sujets entre 60 et
77 ans qui ont été répartis dans un groupe contrôle ou un groupe
multi-interventions. Les résultats ont montré l’impact sur un score
cognitif composite à deux ans de suivi.
Quid des études interventionnelles ?
Les données relativement décevantes des études d’intervention
ont été discutées au cours de cette session. Une corrélation ne
signifie pas une imputabilité. Adrian Ivanoiu a rappelé que le
génome joue aussi un rôle important. Celui de l’Apo E4 est bien
identifié mais les relations peuvent être plus complexes. La
cohorte écossaise la Lothian Birth cohort l’illustre bien.
Celle-ci a analysé les facteurs influençant l’apparition des
troubles cognitifs dans une population qui avait eu une mesure du
QI à l’âge de 11 ans. Un effet protecteur de l’alcool a été
retrouvé chez ceux qui buvaient modérément. Et, l’étude des
polymorphismes des gènes intervenant dans le métabolisme de
l’alcool a permis de montrer que ceux qui bénéficiaient sur le plan
cognitif d’une consommation d’alcool avaient une meilleure capacité
à métaboliser l’alcool.
En conclusion, cette controverse a permis de rappeler la
complexité de l’interaction entre gènes et environnement expliquant
la déception des premières études interventionnelles.
Dr Christian Geny