Les enfants nourris au sein se développent-ils mieux et ont-ils un meilleur QI que ceux recevant du lait en poudre ? Différents facteurs interactifs sont à prendre en compte dans l'évaluation précise de cet avantage potentiel, notamment la prématurité.
Les enfants nés prématurément représentent en effet un cas particulier : ils naissent à une période où la croissance du cerveau est rapide. Or, il paraît évident que des facteurs diététiques peuvent influencer les performances tardives évaluées par les tests de développement intellectuel et cognitif.
A quand le lait de femme UHT ?
De fait, A. Lucas avait déjà montré que les tests de développement à 18 mois réalisés chez 926 enfants prématurés, étaient meilleurs chez les enfants nourris au lait de femme. Plus récemment, cet auteur a mesuré le QI à l'âge de 7 ans et demi/8 ans chez 300 enfants qui avaient été étudiés précédemment. Les enfants pesant moins de 1 850 g à la naissance entre 1982 et 1985 ont été examinés selon qu'ils recevaient (n = 210) ou non (n = 90) du lait maternel.
Les enfants nourris au lait de mère avaient un avantage statistiquement significatif (8,3 points en moyenne au niveau de tous les types de performances) en matière de QI (WISC modifié) à l'âge de 7-8 ans par rapport aux autres, même après ajustement sur tous les facteurs susceptibles d'intervenir dans l'évaluation (classe sociale et comportement éducationnel vis-à-vis de l'enfant, en particulier). Une relation dose-réponse a même été observée entre la proportion de lait de mère ingéré et le QI. Les résultats ont été analogues que les enfants aient été nourris au sein ou par gavage.
Ces résultats sont donc en faveur d'un effet bénéfique du lait de femme sur le développement du cerveau ; cet effet est plus important chez les enfants prématurés que chez ceux nés à terme. Le lait de femme contient des facteurs qui ne sont pas présents dans les laits en poudre, comme les acides gras à longues chaînes (par exemple, l'acide docosahexanoïque) importants pour le développement structural du système nerveux, des hormones et des facteurs trophiques qui peuvent influencer la croissance et la maturation du cerveau. Cependant, les facteurs parentaux ou génétiques sont aussi à prendre en compte : de nouvelles études sont donc nécessaires pour confirmer ces résultats qui pourraient avoir une implication importante dans les soins néonataux et la politique nutritionnelle chez l'enfant.
Nicole Triadou
Lucas A. et coll. : "Breast milk and subsequent intelligence quotient in children born preterm". Lancet, 1992 ; 339 : 261-264.
Morley R. et coll. : "Mother's choice to provide breast milk and developmental outcome". Arch. Dis. Child., 1988 ; 63 : 1382-1385
TRIADOU NICOLE