Allergies alimentaires de l’enfant : la prévention au premier plan

L’incidence des allergies de l’enfant connait une importante augmentation. Les allergies alimentaires concernent actuellement 6 % des enfants de moins de 5,5 ans (1). Les recherches ont permis d’identifier de nouveaux facteurs de risque, ont mis en lumière le rôle joué par le microbiote intestinal et ont permis d’établir de nouvelles mesures de prévention primaire. Ces points étaient abordés au cours du symposium Nutricia/Gallia organisé au cours du Congrès des Sociétés de Pédiatrie qui s’est tenu à Lille du 1er au 3 juin 2022.

Biberons de complément à la maternité et risque d’allergie

Environ 80 % des nouveau-nés destinés à être exclusivement allaités reçoivent, pendant leur séjour en maternité, un biberon de complément contenant des protéines de lait de vache (PLV). Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. Certaines sont justifiées, comme la nécessité de laisser la mère se reposer, son hospitalisation en soins intensifs ou un nouveau-né à risque d’hypoglycémie. Mais pour le Pr Patrick Tounian, il s’agit le plus souvent d’une solution de facilité.

Les données ne manquent pas montrant que cette pratique augmente le risque d’allergie. Dès 1999, une étude scandinave randomisée menée sur 5385 nourrissons montrait une augmentation du risque d’allergie aux protéines de lait de vache (APLV) pour les enfants ayant reçu à la maternité un complément contenant des PLV, en comparaison avec ceux qui avaient reçu un hydrolysat poussé (2). Cette étude fut à l’origine de nombreuses controverses, mais ses résultats furent ensuite renforcés par un essai randomisé qui montrait une incidence d’APLV multipliée par 10 pour les nouveau-nés exclusivement allaités qui recevaient, dans leurs 3 premiers jours de vie, un complément contenant des PLV (3). Enfin, plus récemment, une étude cas-témoin réalisée sur 765 nourrissons confirmait que la prise d’un biberon de complément contenant des PLV était un facteur de risque indépendant d’APLV pour les enfants destinés à être exclusivement allaités. En revanche, ce n’était pas le cas quand le biberon de complément était donné plus tard au cours du premier mois de vie alors que l’enfant était encore exclusivement allaité. Notons que les autres facteurs de risque indépendants significatifs étaient les antécédents familiaux d’atopie et l’éviction des produits laitiers pendant la grossesse (4).

En conclusion, le Pr Tounian insiste sur le fait qu’en cas d’allaitement maternel exclusif souhaité, l’utilisation de compléments à la maternité doit être proscrite. Si elle est nécessaire, un hydrolysat extensif doit être utilisé ou une formule à base d’acides aminés, si possible sous forme liquide et donc stérile. Les formules HA ne semblent pas efficaces dans cette indication et l’intérêt de formules à base de protéines de riz hydrolysées n’a pas été étudié.

Pré et probiotiques intégrés aux hydrolysats de protéines de lait : des résultats prometteurs

Dans la cohorte française ELFE, comprenant plus de 18 000 enfants nés en 2011, la prévalence de l’allergie aux protéines de lait de vache (APLV) est de 3,3 % avant 6 ans (1). La prise en charge repose sur l’éviction stricte des protéines de lait de vache (PLV), avec substitution par des hydrolysats ou des formules d’acides aminés dans les cas sévères.

L’adjonction de pré et/ou probiotiques dans ces formules semble intéressante. Elle pourrait réduire le délai de guérison et améliorer les signes cliniques digestifs et cutanés liés à l’APLV. Pour évaluer cet intérêt, une étude observationnelle a été réalisée, dont les résultats préliminaires ont été présentés au cours du symposium par le Dr François Payot.

®L’objectif principal de l’étude est de faire évaluer par des pédiatres les effets cliniques de la formule PEPTICATE®SYNEO®, un hydrolysat extensif de protéines du lactosérum contenant des pré et probiotiques, chez des enfants porteurs d’une APLV, entre J0 et J28, évaluée par les pédiatres participant à l’étude. Les parents notaient tous les 7 jours l’évolution des symptômes et tenaient un calendrier des quantités consommées. A ce jour, 72 enfants de moins de 8 mois ont été inclus.

L’âge moyen des enfants au moment du diagnostic d’APLV est de 2,2 mois, 19 % des enfants étaient encore allaités, sans exclusion des PLV chez 82 % des mères. Les formes digestives, de type non IgE médiées sont les plus fréquentes, parfois associées à une dermatite atopique modérée à sévère. Au moment de l’inclusion, le score moyen de qualité de vie des parents est de 4, sur une échelle de 1 à 7 où 1 reflète une « bonne » qualité de vie.

Après 1 mois sous PEPTICATE® SYNEO®, les pédiatres constatent une amélioration globale des symptômes chez 84 % des enfants. Notons particulièrement l’amélioration des symptômes digestifs chez 94 % des enfants et une amélioration du score de dermatite atopique chez 59 % d’entre eux. Quant aux parents, le score de qualité de vie est amélioré, côté à 2 à J 28. La croissance staturo-pondérale qui était ralentie chez 26 % des nourrissons, marque une reprise, avec une augmentation moyenne de 3 cm et de 730 gr en 1 mois.

Cette étude, de type observationnel en vie réelle, constitue une ébauche d’observatoire de l’APLV qu’il serait intéressant de prolonger. Elle ouvre la voie à d’autres travaux qui permettront d’évaluer l’intérêt des pré et probiotiques intégrés aux hydrolysats poussés de protéines de lait de vache.

La prévention primaire des allergies alimentaires en pratique

L’augmentation importante des allergies alimentaires, notamment à l’arachide et aux fruits à coques, à haut risque anaphylactique, justifie à elle seule tout l’intérêt porté à la prévention primaire. Ainsi, la cohorte française ELFE constituée de 15 543 enfants nés en 2011, a permis d’évaluer la prévalence de l’allergie alimentaire à 6 % chez les moins de 5,5 ans. Parmi ces enfants allergiques, 1 sur 5 présentait une polyallergie. La prévention primaire de l’allergie alimentaire peut donc être considérée comme une priorité de santé publique.

Comme le rappelle le Dr Dominique Sabouraud, les mesures de prévention primaire doivent être appliquées à tous les enfants, quels que soit les antécédents familiaux, et non pas réservées à ceux dont le risque allergique est avéré. En période périnatale, l’accent est mis sur le rôle du microbiote dans le développement du système immunitaire. Cela implique de le protéger, notamment en favorisant les naissances par voie basse et en limitant les prescriptions d’antibiotiques et d’inhibiteurs de la pompe à protons.

Le rôle fondamental de la barrière cutanée justifie des mesures spécifiques. Ainsi, la dermatite atopique modérée à sévère nécessite un traitement précoce et pro-actif. Il est recommandé aussi de limiter drastiquement la présence d’allergènes dans l’environnement du nouveau-né et leur application sur la peau (conseiller de bien se laver les mains avant de toucher un nourrisson, éviter les cosmétiques contenant des protéines alimentaires).

En ce qui concerne la prévention de l’APLV, il est désormais établi qu’il faut éviter les compléments alimentaires contenant des PLV à la maternité, quand un allaitement exclusif est souhaité par la mère. Le lait HA n’a pas sa place dans la prévention des allergies. La diversification alimentaire doit être précoce, entre 4 et 6 mois, et la plus variée possible en incluant les produits laitiers si l’enfant est allaité, l’œuf (sous forme de boudoirs puis d’œuf dur), l’arachide et les fruits à coques (beurres, purées ou poudres), selon les habitudes alimentaires familiales. Soulignons qu’une fois qu’un aliment est introduit, il est nécessaire de poursuivre régulièrement les prises, au long cours.

  1. Tamazouzt S. et al. Prévalence des allergies alimentaires en France : données de la cohorte ELFE – Revue Française d’Allergologie, 2021(61):4,233.

  2. Saarinen KM et al. Supplementary feeding in maternity hospitals and the risk of cow's milk allergy: A prospective study of 6209 infants. J Allergy Clin Immunol. 1999 Aug;104(2 Pt 1):457-61. 

  3. Urashima M. et al. Primary Prevention of Cow's Milk Sensitization and Food Allergy by Avoiding Supplementation With Cow's Milk Formula at Birth: A Randomized Clinical Trial. JAMA Pediatr. 2019;173(12):1137-1145.

  4. Garcette K. et al. Complementary bottles during the first month and risk of cow's milk allergy in breastfed infants. Acta Paediatr. 2022 Feb;111(2):403-410.

Dr Roseline Péluchon

Références
Allergies alimentaires de l’enfant – Nouvelles données et nouvelles recommandations de prévention – Symposium Nutricia/Gallia –
Congrès des Sociétés de Pédiatrie – Lille - 1-3 juin 2022

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