La compréhension de la pathogenèse des maladies mentales met au jour ces dernières années l’importance de l’interaction entre les gènes et des évènements de vie négatifs ou stressant. Mais quelle est plus précisément la nature du lien entre le génotype et le phénotype dans les troubles anxieux ?
L’héritabilité des troubles anxieux est mise en évidence par les études de jumeaux, qui montrent une concordance plus importante pour les jumeaux monozygotes que pour les jumeaux hétérozygotes. Les enfants exposés à l’ouragan Katrina ayant un certain polymorphisme du transporteur de la dopamine sont plus à risque de développer secondairement un syndrome de stress post-traumatique (1).
Mais la génétique ne fait pas tout, et l’expression des gènes peut être modifiée au cours de la vie par des mécanismes épigénétiques. On retrouve ainsi une hypométhylation du gène MAO-A parmi les patients présentant un trouble panique.
Les polymorphismes génétiques influencent également la réponse des patients aux traitements médicamenteux, comme par exemple les variants du gène codant pour le transporteur de la sérotonine. La « pharmacogénétique » permettra de proposer aux patients des traitements « sur mesure » dans l’avenir.
La prise en charge dans « la vraie vie »
Les études portant sur le trouble anxieux généralisés ne reflètent pas bien la réalité de cette pathologie, la plupart des patients sont exclus car présentant d’autres troubles mentaux. Ainsi, 45 % des patients nouvellement diagnostiqués sont déjà traités pour une autre pathologie (27,9 % reçoivent déjà une benzodiazépine). L’étude ESPIGA (Evaluation of Sleep and Pain In newly diagnosed patients with General Anxiety disorder) met en évidence que le trouble est souvent déjà sévère au moment du diagnostic, et ancien (12 mois en moyenne). Au total, 85,9 % des patients souffrent de troubles du sommeil et 75,9 % de douleurs inexpliquées ; tous deux responsables d’une diminution de la productivité au travail.
Le trouble anxieux généralisé est globalement mal pris en charge. Au Royaume-Uni, 60 % des patients atteints ne sont pas traités. L’objectif du traitement est de maintenir le patient en rémission. Le traitement de première intention est constitué par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa), qui agissent en 2 à 6 semaines. La plupart du temps, le praticien se contente d’une réponse partielle au traitement sans rémission complète, et 1 patient sur 3 est considéré comme ayant une réponse non optimale au traitement. En cas d’inefficacité, il faut prendre en compte les aspects non pharmacologiques (tels que les facteurs de stress) ainsi que l’observance. Il faut également savoir attendre : une réponse partielle au bout de 4 à 6 semaines peut précéder une réponse complète après 4 à 6 nouvelles semaines. Dans un second temps, il faudra envisager une association thérapeutique telle que la fluoxétine et la quiétiapine, ou encore un ISRS/IRSNa et la prégabaline. La prégabaline a l’avantage d’agir plus rapidement, au prix d’une tolérance moindre (vertiges, sédation…).
Dr Alexandre Haroche