Anachronique, l’esprit carabin ?

Interview du Dr Emmanuelle Godeau, médecin de santé publique et anthropologue, EHESP (Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique).

Début janvier,  L’Obs révélait ce qu’il considérait comme les "dérives" du groupe privé Facebook « le divan des médecins » qui réunit 11 000 praticiens.  Dans le viseur de l’hebdomadaire,  des commentaires grivois relevant de « l'homophobie, la transphobie, la grossophobie, et du sexisme ». Les réactions indignées à cette enquête journalistique ont été nombreuses et certains, y compris l’Ordre ont pu mettre en cause les dérapages de « l’humour carabin ».

Dans ce contexte, le Dr Emmanuelle Godeau, anthropologue et médecin de santé publique, enseignant-chercheur à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, auteur d’un ouvrage sur les salles de garde,  (re)plonge les lecteurs du JIM dans l’ambiance des fresques, des battues et des gages et explique l’inadaptation de l’esprit carabin aux réseaux sociaux et constate même l’agonie d’une tradition apparue dés le XIe siècle à la faculté de médecine de Montpellier !

Réagir

Vos réactions (9)

  • La fresque est bien plus qu'une virgule de toilette

    Le 01 février 2020

    L'écouter dans toute ses longueurs à peine écourtées par un accent sudiste c'est tout de même se conforter dans la nécessité de tout foutre en l'air... L'internat c'est la recré des post adolescents ça doit rester privé et préservé et l'analyser c'est le désacraliser et par là même lui ôter toute faculté thérapeutique. L'intelligence artificielle la pire de toute c'est celle là, c'est cette forme de raisonnement inhumain.

    Dr Pierre Castaing

  • Dictature de la bienpensance

    Le 01 février 2020

    On ne peut plus rien dire, écrire, il faut être neutre, lisse, tous nos grands humoristes, de Pierre Dac à Coluche, Francis Blanche, Thierry Le Luron seraient en tôle actuellement, accusés de blasphème, homophobie, et je ne sais quoi encore de quels pêchés de notre époque…

    Dr Daniel Muller

  • Discours très équilibré

    Le 07 février 2020

    Cette consœur et anthropologue me semble avoir un discours analytique très modéré lorsqu'elle indique que la salle de garde peut rester un endroit privé par rapport à un réseau social. Selon elle, l'humour carabin qui associe blagues sexuelles pour ne pas dire sexiste et humour noir peut, voire doit, s'exprimer par rapport au vécu spécifique des internes par rapport au corps humain et a des vertus de défouloir.

    Elle analyse très précisément les évolutions des internats par rapport aux origines sociales des médecins et la féminisation de notre métier.
    J'espère que nos jeunes collègues sauront trouver les modalités adéquates pour préserver un humour spécifique et les revues d'internat où les patrons étaient plus les cibles privilégiées que tout autre catégorie sexuelle ou sociale en craignant néanmoins que nos directions ne sacrifient à terme les internats et leurs fresques historiques pour des raisons plus économiques que de bienséance.

    Dr Jean-Philippe Merlio

  • On y vivait

    Le 10 février 2020

    Merci Pierre.. La salle de Garde ne s'explique pas elle se vit ou plutot elle se vivait, et se voyait et s'entendait. Car on y vivait... Adieu à tout çà... On a beaucoup appris, beaucoup travaillé mais on s'est bien marré et tant pis pour les pisse vinaigres..

    Dr Michel Jouravleff

  • De petits bonhommes dans leur petit monde d'antan

    Le 11 février 2020

    Comme par hasard aucune consœur parmi les commentateurs qui défendent ce noble patrimoine bien de chez nous. Est-ce que ces confrères se sont déjà demandés comment les internes filles gèrent leur double peine: même stress au travail que les garçons et en prime humiliation systématique par ce vénérable esprit carabin? A moins de supposer qu'elles seraient naturellement plus fortes que leur collègues masculins...

    Est-ce que Pierre, Daniel, Jean-Philippe et Michel se sont déjà demandés ce que pensent les internes d'origine étrangère (30% à mon époque) à la vue de ce phénomène qui se veut une manifestation spécifique de la culture française ?

    On n'a visiblement pas tous les même capacités de se décentrer de son égo et de son propre petit monde à soi. Heureusement que celui-ci est bel et bien révolu. Restez dans votre nostalgie, chers confrères, elle disparaitra avec vous.

    Dr Gerlind Gilbert

  • Effet préventif et curatif de l' esprit carabin

    Le 16 février 2020

    Notre nostalgie disparaitra, probablement, avec nous. Mais avec cette humour graveleux, lourdingue nous pouvions lâcher la pression et supporter les épreuves, les souffrances auxquelles nous étions exposées.
    Depuis la disparition de cette humour et l'apparition de la bien pensance, que reste-t-il aux internes pour exorciser les douleurs, les tensions auxquels ils sont soumis ? Les antidépresseurs, le suicide...
    Aux étudiants et internes actuels de trouver leurs défouloirs pour continuer à vivre, le mieux possible, leurs passions.

    Dr Dominique Lecerf

  • Une consoeur

    Le 01 avril 2020

    Juste le témoignage d'un élément du genre féminin, qui sait faire la part des choses entre une vraie misogynie et le jeu, le théatre et la joie qui existaient en ces temps malheureusement révolus dans les salles de garde.

    Il existait aussi, de ce fait en partie, une cohésion et une reconnaissance du corps médical, qui faisait que l'on passait une grande partie de sa vie à l'hôpital sans s'en plaindre loin de là.

    M.S (pharmacien)

  • Non je ne me suis pas "marrée" en salle de garde...

    Le 17 août 2020

    Comme tout le monde je devais gérer le stress professionnel, mais en plus j'étais quasiment terrorisée par la salle de garde que je ne ralliais d'ailleurs que pour les repas ... en me demandant si j'allais encore devoir gifler l'interne qui essaierait de me tripoter ... ou combien de blagues salaces et blessantes j'allais devoir encaisser.

    Le seul bon moment a été en toute fin d'études, lors d'une revue d'internat coquine mais "propre" qui avait effectivement pour cible les patrons des services qui rigolaient bien.
    Une salle de détente c'est bien. Pour discuter, s'entraider, rire , mais pas ce lieu de "guerre larvée" que j'ai connu , où le stress s'évacuait sous forme d'agressivité sexiste et méchante...

    Dr B.D, en retraite et ravie de l'être...

  • La loi du plus fort

    Le 25 août 2020

    Certes cette tradition comme toutes les traditions n'avait pas que de mauvais cotés mais tout de même beaucoup d'abus. Ceux qui pensent qu'ils se sont bien marrés et ont bien déconnés ce sont les plus grandes gueules, les autres devaient plutôt subir la loi du plus fort en gueule ou du plus expérimenté (voir le baptème des novices). Pas besoin de rituel pour avoir un esprit de corps et les bizutages restent particulièrement honteux ici comme ailleurs et ici encore plus qu'ailleurs car les médecins sont censés porter une certaine empathie vis à vis des autres. Ce qui serait drôle ce serait que l'esprit carabin devienne un esprit carabine, j'aimerais connaître l'avis des défenseurs de l'ordre ancien.

    Dr Pierre-André Coulon

Réagir à cet article

Les réactions sont réservées aux professionnels de santé inscrits et identifiés sur le site.
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.


Lorsque cela est nécessaire et possible, les réactions doivent être référencées (notamment si les données ou les affirmations présentées ne proviennent pas de l’expérience de l’auteur).

JIM se réserve le droit de ne pas mettre en ligne une réaction, en particulier si il juge qu’elle présente un caractère injurieux, diffamatoire ou discriminatoire ou qu’elle peut porter atteinte à l’image du site.