La majorité des prématurés survivant à la période néonatale se développent bien. Tous les orateurs ont martelé ce credo. Cependant…
Dans EPIPAGE, parmi les enfants non perdus de vue à 5 ans, 9 % des ex-prématurés de moins de 33 semaines et 1 % de ceux de 33-34 semaines avaient une paralysie cérébrale (0 % à terme), et 33 % et 23 %, respectivement, un déficit intellectuel (12 % à terme). Il faut donc s’assurer que les ex-prématurés vont bien et prendre en charge ceux qui ne vont pas bien !
Même chez les ex-prématurés qui semblent indemnes à l’âge de 2 ans, on peut découvrir par la suite des troubles de la motricité fine (jusqu’à 5 ans) et des troubles des apprentissages et cognitifs, du comportement et émotionnels (au moment de la scolarisation, vers 7-8 ans). Il faut donc suivre les ex-prématurés jusqu’à l’âge de 7-8 ans au minimum.
On peut attendre d’une identification précoce des troubles neuro-développementaux qu’elle débouche sur des interventions qui permettent de limiter l’impact du déficit, d’améliorer les compétences et les performances de l’enfant, et de soutenir la famille et l’entourage. Cependant, ces avantages ne sont pas complètement démontrés. La notion de plasticité cérébrale est discutable.
Tous ces éléments justifient un suivi structuré et prolongé du prématuré. Or la situation qui prévaut actuellement n’est pas satisfaisante. Le suivi est éclaté entre diverses consultations hospitalières, la protection maternelle et infantile (PMI), les centres d’action médico-sociale précoces (CAMSP), les pédiatres libéraux, etc. Pour des raisons multiples, les perdus de vue sont nombreux, notamment en région Ile de France.
La solution semble être la création de réseaux ville-hôpital, prenant en charge à la sortie de l’unité de néonatologie les prématurés et d’autres enfants à risque neuro-développemental. De nombreux réseaux de ce type se mettent en place en France. En leur sein peuvent collaborer des pédiatres hospitaliers et des médecins libéraux, l’hôpital et la PMI.
Le pédiatre de ville a un rôle très important à jouer dans la mise en place de la structure et le suivi des enfants, comme le montre l’exemple de la Région Languedoc-Roussillon.
Idéalement, tous les acteurs d’un réseau doivent avoir en commun un dossier médical et des référentiels. Le réseau a besoin de moyens humains et financiers propres pour fonctionner. Il existe une dotation régionale des réseaux (DRDR) pour financer ces réseaux ville-hôpital.
En dernier lieu, c’est à l’école que les soins néonataux pourront être évalués.
A l’âge scolaire, les grands prématurés obtiennent de moins bons résultats aux tests neuro-psychologiques que les enfants à terme, même après exclusion de ceux qui ont des séquelles sévères. Leur QI est en moyenne plus faible de 10 points (0,7 DS), leurs compétences visuo-motrices sont moins bonnes. Ils présentent plus de troubles de l’attention et du comportement et de troubles des fonctions exécutives. Ces moins bons résultats aux tests retentissent sur les apprentissages scolaires. Les difficultés en mathématiques sont fréquentes. Malheureusement, il n’existe pas d’enquête française sur le sujet.
Peut-être est-ce dès l’hospitalisation néonatale qu’il faut intervenir. Telle est l’ambition des « soins de développement » comme le programme NIDCAP.
Dr Jean-Marc Retbi