ANEMIES : ARTHRITE : PENSER A LA MOELLE

Anémies :Arthrite : penser à la moelle

Les syndromes myélodys-plasiques (SMD) forment un groupe hétérogène d'anémies "réfractaires" liées à une dysrégulation ou une atteinte clonale de la cellule souche pluripotente et qui sont classées en cinq types distincts. Les manifestations cliniques, insidieuses, sont celles des cytopénies progressives, le décès étant lié à une complication de cette cytopénie ou à la transformation en leucémie myéloïde aiguë.

W. Stephen et E. Newman ont revu les dossiers de patients atteints d'un SMD. Ils ont ainsi pu colliger vingt-huit cas désignés selon la classification reconnue, en anémie réfractaire (AF), anémie réfractaire avec sidéroblastes (AFS), anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB), avec excès de blastes en transformation (AREB-T) ou en leucémie myélomonocytaire chronique.

Des arthrites séronégatives

Parmi ces vingt-huit patients, huit ont présenté une arthrite inflammatoire séronégative apparue dans l'intervalle de dix-huit mois encadrant l'établissement d'une cytopénie significative.

Des différences entre les groupes avec et sans arthrite ont été re-marquées. Ainsi, en présence d'arthrites, on trouvait une prédominance de femmes ; le symptôme de présentation était souvent une arthralgie et, moins fréquemment, lié à l'anémie ou à la thrombopénie ; deux fois ont été notées une péricardite et/ou une pleurésie, une anémie hémolytique, ou une hypothyroïdie alors que ces atteintes n'ont pas été rapportées (ou seulement une fois) dans le groupe sans arthrite ; aucune vascularite leucocytoclasique n'a été constatée et les arthrites étaient associées deux fois à une fièvre.

Les immunoglobulines étaient à des taux normaux dans la moitié des cas dans les deux groupes et une gammapathie monoclonale était présente une fois dans les deux groupes.

Aucun facteur rhumatoïde n'a été retrouvé, des facteurs anti-nucléaires ont été constatés à cinq reprises (trois dans le groupe avec arthrites, deux dans le groupe sans arthrite, à des taux toujours inférieurs au 1/320), l'uricémie moyenne était comparable. La vitesse de sédimentation était constament élevée dans le groupe avec arthrites.

Enfin, la survie moyenne a été plus longue dans le groupe avec arthrites (54 ± 21 mois) que dans le groupe sans arthrite (23 ± 6 mois).

La comparaison des anomalies histologiques médullaires n'a montré aucune différence, qu'il s'agisse de l'aspect ou de la fréquence des différents sous-types, hormis un nombre plus important de patients porteurs d'une hypocellularité médullaire dans le groupe avec arthrites (50% versus 10 %). Il convient de noter que la seule leucémie myélomonocytaire concernait un patient sans arthrite porteur d'une vascularite leucocytoclasique avec cryoglobulinémie mixte.

Ces arthrites inflammatoires sont survenues avant la cytopénie dans deux cas (neuf et treize mois), ont été concomitantes trois fois, et sont apparues secondairement dans trois autres cas.

Deux types d'arthrite ont été signalés : polyarthrite périphérique symétrique atteignant les articulations interphalangiennes proximales et les métacarpo-phalangiennes, les poignets, les épaules et parfois les genoux, observée chez cinq patients ou, chez trois autres, oligo-arthrite asymétrique limitée aux grosses articulations : genoux, coudes, hanches, chevilles. Des épanchements étaient présents chez deux des malades et la ponction réalisée chez l'un d'entre eux a ramené un liquide inflammatoire non septique, sans microcristaux.

Les radiographies n'ont révélé qu'une tuméfaction des parties molles, sauf dans un cas où existait une ostéopénie avec pincement articulaire localisés sur une cheville.

Efficacité de la corticothérapie

Biologiquement, les facteurs anti-nucléaires ont été positifs à plusieurs reprises, dans un seul cas au taux de 1/160e et, rappelons-le, il n'y avait ni facteur rhumatoïde, ni cryoglobulines, ni autres anticorps. Seul un patient était porteur d'un hyperuricémie à 80 mg/l. La vitesse de sédimentation était comprise entre 33 et 131 mm à la première heure.

L'évolution de la polyarthrite a été variable, parfois auto-limitée et non récurrente, parfois migratrice, parfois récurrente, et parfois parallèle à celle du SMD. Enfin, dans certains cas, elle est devenue chronique et a nécessité une corticothérapie. Ce dernier traitement a été efficace toutes les fois où il a été utilisé (5 cas) contrairement aux AINS.

Ce travail a permis de regrouper la première grande série d'oligo ou de polyarthrites liées à un syndrome myélodysplasique. En effet, jusqu'alors seuls des cas isolés avaient été rapportés, parfois liés à une hémosidérose synoviale dans les AFS, ou bien il s'agissait d'arthropathies chroniques en rapport avec l'infiltration synoviale monocytaire au cours de leucémies monocytaires chroniques.

A noter que deux des patients présentaient des signes évocateurs d'une maladie systémique (fièvre, rash maculopapulaire, pleuro-péricardite, polyarthrite, cytopénie). De tels faits ont également été signalés chez quatre autres malades dans la littérature (chez l'un d'eux, une vascularite était présente, un autre avait des signes évoquant un lupus séropositif). Enfin, l'expérience de la Mayo Clinic a été récemment publiée : treize patients avaient eu des manifestations rhumatismales temporaires (vascularite cutanée, neuropathie périphérique et syndrome lupique), parmi lesquels seuls cinq avaient des synovites.

En revanche, les manifestations auto-immunes ont été décrites depuis longtemps dans ces affections, qu'il s'agisse d'anémie hémolytique, de syndrome de Sjögren (essentiellement dans les LMMC), de polychondrites ou de vascularites cutanées. Des anomalies biologiques immunologiques ont également été signalées : gammapathie monoclonale, anomalie des cellules NK, atteinte des fonctions des cellules B ou T, parfois auto-anticorps.

Il convient enfin d'insister particulièrement sur la sensibilité de ces manifestations rhumatismales aux corticoïdes, qui par ailleurs peuvent être occasionnellement utilisés pour traiter l'affection hématologique elle-même.

En conclusion, il faut retenir :

- la relation temporelle nette entre le début des manifestations rhumatismales et hématologiques,

- l'absence habituelle des éléments immunopathologiques, microbiologiques, biochimiques reconnus dans les maladies rhumatismales définies,

- l'atteinte des cellules souches dans les SMD qui pourrait entraîner une dysfonction lymphocytaire,

- les multiples similarités entre cette association et les phénomènes lupus-like paranéoplasiques décrits au cours de certains cancers.

Didier Alcaix

Stephen W. et Newman E. : "Seronegative inflammatory arthritis in the myelodysplasic syndrome", Seminars Arthr. Rheum., 1992 ; 21 :

ALCAIX DIDIER

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