
Les anti-TNF-alpha étaient les indiscutables vedettes de ce cru 2010 de l’EULAR avec des dizaines de communications orales, de posters et de symposiums consacrés à ces molécules qui ont transformé la prise en charge des rhumatismes inflammatoires. Aussi n’est-il pas étonnant que la session « Controverses sur les anti-TNF dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) » ait été l’une des plus attendue.
Le premier objectif des communications présentées lors de cette session était de déterminer si tous les anti-TNF dont nous disposons, les anciens comme les plus récents, avaient une efficacité et une tolérance équivalente. Malgré le brio des différents orateurs, à l’issue de cette session, il aurait été bien présomptueux de proposer une réponse consensuelle.
Etudes observationnelles contre essais randomisés
Merete Hetland de Copenhague s’est tout d’abord attelée à comparer l’efficacité des 3 anti-TNF les plus « anciens » (étanercept, infliximab, adalimumab) (1). Elle a rappelé pour débuter un obstacle incontournable : il n’existe pas d’études randomisées d’ampleur comparant directement ces 3 anti-TNF. On ne dispose donc pour trancher que de comparaisons indirectes basées sur la littérature internationale et d’études observationnelles. On connaît bien les difficultés d’interprétation des comparaisons indirectes notamment parce que les populations sont hétérogènes d’un essai à l’autre. Reste les études observationnelles basées sur des registres. Celles-ci ont pour avantage leurs tailles importantes et leur capacité supposée de reproduire la « vraie vie », mais elles sont soumises à de nombreux biais liés en particulier à l’absence de randomisation et de groupe contrôle, ce que l’on tente de combattre par de multiples ajustements.
Malgré ces écueils, M Hetland a présenté, avec toutes les réserves nécessaires, les résultats du registre danois DANBIO qui comporte 2326 patients. Selon ces données, après divers ajustements, dans la PR, l’adalimumab serait le traitement le plus efficace, devant l’étanercept et l’infliximab (la différence n’étant pas significative entre adalimumab et étanercept). Par ailleurs l’étanercept serait le médicament le plus longtemps poursuivi par les patients (devant les deux autres).
Une tolérance globalement comparable
Johan Askling (Suède) s’est attaché quant à lui à la recherche de différences de tolérance entre les molécules (2). Si sur le plan théorique il est facile de distinguer les anti-TNF entre eux (mode d’action, voie d’administration, demi-vie, caractère humanisé ou non…) on se heurte aux même difficultés méthodologiques que pour l’efficacité pour analyser les fréquences comparées des effets secondaires. J Askling a notamment rappelé le fait que l’incidence de nombreux effets secondaires varie en fonction de la population traitée. Ainsi, par exemple, il est difficile de comparer le taux de tuberculose observé sous un anti-TNF X dans une population blanche de la cote est des Etats-Unis à celui des cas constatés sur une population défavorisée de la banlieue d’une grande ville européenne traitée par un anti-TNF Y… et ce malgré tous les ajustements possibles. Globalement, pour lui, les différences de tolérance entre les anti-TNF apparaissent peu importantes en valeur absolue même si certains registres peuvent faire apparaître, ici ou là, des écarts notables en valeur relative.
Pas de querelles des anciens et des modernes
Ronald van Vollenhoven a pour sa part soumis à une analyse critique les « nouvelles » biothérapie (rituximab, abatacept, tocilizimab, golimumab, certolizumab) pour tenter de déterminer s’ils étaient « meilleurs » que les plus anciens. Là encore, si les différences pharmacologiques sont certaines et ont parfois des implications cliniques intéressantes (par exemple possibilité d’une administration mensuelle avec le golimumab), selon lui, nous ne disposons pas jusqu’ici d’arguments solides pour penser qu’ils ont une supériorité cliniquement significative sur leurs prédécesseurs.
On le voit, faute d’essais randomisés comparatifs, qui semblent difficilement envisageable dans le contexte actuel, la multiplication de l’offre d’anti-TNF ne va donc pas contribuer à simplifier le choix des praticiens, tout au moins dans un délai proche.
Dr Céline Dupin