
Les psychiatres ont l’habitude de jeter un regard clinique sur
les phénomènes de société. Difficile aujourd’hui de passer à côté
de l’anxiété qui touche nos pays devant la pandémie, ses
conséquences, et ses traitements. Le vaccin est maintenant dans
tous les esprits, de ceux qui le défendent, des anti-vax
convaincus, perdus pour la cause, mais aussi dans l’esprit des
hésitants particulièrement nombreux en France en cet âge de
défiance vis-à-vis de la parole expertale « officielle
».
Un mouvement disparate
Avec l’arrivée des premières politiques d’obligation vaccinale
au milieu du XIXème siècle, les mouvements
anti-vaccination endossent le costume de la lutte contre
l’oppression des hommes par l’état tout puissant. Plus
généralement, l’opposition aux vaccins permet de coaliser des
luttes assez diverses : mouvement féministe (la vaccination étant
pour certain assimilée à un « viol » du corps féminin),
mouvement animaliste (fustigeant les recherches sur les animaux
nécessaires à la production du vaccin), mouvements ouvriéristes
(les amendes étant particulièrement lourdes pour les plus pauvres),
mouvements hygiénistes (considérant que la préservation de la
qualité de l’air et de l’eau prévalent sur la lutte contre les
micro-organismes).
On voit ici que le caractère kaléidoscopique du mouvement
anti-vaccinal fait toujours partie de l’ADN du phénomène où big
Pharma, big Brother, la pollution du corps et de
l’environnement, sont autant d’épouvantails alimentant le fanatisme
des anti-vax, et l’hésitation des plus timorés.
L’hésitation vaccinale est étudiée dans ses mécanismes depuis
la fin des années 1970. La décision vaccinale vient d’un arbitrage
intuitif entre les risques et les bénéfices perçus. Les risques
perçus concernent les effets secondaires potentiels des vaccins,
mais aussi le coût (en termes de temps, d’argent, de douleur…). En
face, les bénéfices estimés dépendent de la perception de la
maladie. Dans cet équilibre, le biais de négativité joue un rôle
majeur : on retient toujours davantage les informations
négatives.
Dans le cabinet du médecin, la confiance est toujours là
Alors que faire pour convaincre les plus hésitants ? Si l’information « officielle » est peu efficace (voire contre-productive), les études montrent que ceux qui hésitent font encore confiance en la parole des professionnels de santé « de proximité ». L’expert, médecin « du haut », qui s’exprime dans les médias est suspect, mais le médecin de famille, médecin « du bas » peut encore rassurer. Après une baisse sensible de l’intention vaccinale, on constate d’ailleurs une inversion de la tendance depuis le début de l’année 2021. Plus qu’opposés au vaccin, les français sont surtout indécis.Dr Alexandre Haroche