Anti-vax d’hier et d’aujourd’hui

Les psychiatres ont l’habitude de jeter un regard clinique sur les phénomènes de société. Difficile aujourd’hui de passer à côté de l’anxiété qui touche nos pays devant la pandémie, ses conséquences, et ses traitements. Le vaccin est maintenant dans tous les esprits, de ceux qui le défendent, des anti-vax convaincus, perdus pour la cause, mais aussi dans l’esprit des hésitants particulièrement nombreux en France en cet âge de défiance vis-à-vis de la parole expertale « officielle ».

L’hésitation vaccinale est donc sur le divan du psychiatre, il faut donc en retracer l’anamnèse. Depuis que Lady Montagu a introduit en Angleterre la variolisation, la quête d’une protection vis-à-vis du danger infectieux est vue par certains comme une tentative illégitime de se lever contre la volonté divine. Avec Jenner et la vaccine, d’autres fantasmes ont agité les détracteurs de cette technique consistant à inoculer aux humains la variole des vaches. La peur de mêler son sang à celui de l’animal, et de perdre son identité d’homme dans une « chimérisation » mystérieuse sera longtemps au cœur des peurs irrationnelles suscitées par la vaccination. On en retrouve d’ailleurs la trace dans la crainte de transformations génétiques que suscitent les vaccins à ARN.

Un mouvement disparate

Avec l’arrivée des premières politiques d’obligation vaccinale au milieu du XIXème siècle, les mouvements anti-vaccination endossent le costume de la lutte contre l’oppression des hommes par l’état tout puissant. Plus généralement, l’opposition aux vaccins permet de coaliser des luttes assez diverses : mouvement féministe (la vaccination étant pour certain assimilée à un « viol » du corps féminin), mouvement animaliste (fustigeant les recherches sur les animaux nécessaires à la production du vaccin), mouvements ouvriéristes (les amendes étant particulièrement lourdes pour les plus pauvres), mouvements hygiénistes (considérant que la préservation de la qualité de l’air et de l’eau prévalent sur la lutte contre les micro-organismes).

On voit ici que le caractère kaléidoscopique du mouvement anti-vaccinal fait toujours partie de l’ADN du phénomène où big Pharma, big Brother, la pollution du corps et de l’environnement, sont autant d’épouvantails alimentant le fanatisme des anti-vax, et l’hésitation des plus timorés.

L’hésitation vaccinale est étudiée dans ses mécanismes depuis la fin des années 1970. La décision vaccinale vient d’un arbitrage intuitif entre les risques et les bénéfices perçus. Les risques perçus concernent les effets secondaires potentiels des vaccins, mais aussi le coût (en termes de temps, d’argent, de douleur…). En face, les bénéfices estimés dépendent de la perception de la maladie. Dans cet équilibre, le biais de négativité joue un rôle majeur : on retient toujours davantage les informations négatives.

L’accroissement de l’hésitation vaccinale peut être expliquée par une transformation du marché de l’information avec l’émergence des médias électroniques. On observe en parallèle une crise croissante vis-à-vis des institutions (particulièrement en France). La conjugaison de ces deux phénomènes facilite la propagation rapide d’informations fausses ou invérifiables dans l’espace public (notamment de nombreuses théories conspirationnistes). De fait, les « fake news » concernent très souvent la santé (et en particulier la vaccination) et les acteurs critiques vis-à-vis de la vaccination sont plus actifs que les pro-vaccins.

Dans le cabinet du médecin, la confiance est toujours là

Alors que faire pour convaincre les plus hésitants ? Si l’information « officielle » est peu efficace (voire contre-productive), les études montrent que ceux qui hésitent font encore confiance en la parole des professionnels de santé « de proximité ». L’expert, médecin « du haut », qui s’exprime dans les médias est suspect, mais le médecin de famille, médecin « du bas » peut encore rassurer. Après une baisse sensible de l’intention vaccinale, on constate d’ailleurs une inversion de la tendance depuis le début de l’année 2021. Plus qu’opposés au vaccin, les français sont surtout indécis.

Dr Alexandre Haroche

Référence
R Gaillard, C Jaffre, L-H Vignaud, J Raude, D Skurnik. L’imaginaire du vaccin. 19ème Congrès de l’Encéphale. Du 20 au 22 janvier 2021 (virtuel).

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article