La leucémie myéloïde chronique (LMC) est une affection grave dont environ 600 nouveaux cas sont rapportés tous les ans en France (une étude épidémiologique reste cependant à mettre en route pour préciser ces données). L’imatinib a transformé considérablement la prise en charge de la LMC entraînant une réponse cytogénétique majeure (RCM) chez plus de 90 % des patients en phase chronique.
Plusieurs paramètres sont utilisés pour évaluer l’efficacité du
traitement par imatinib.
Sur le plan hématologique, la numération-formule sanguine apprécie
l'efficacité et la tolérance du traitement, notamment le risque de
cytopénies. Une réponse hématologique complète est obtenue chez 98
% des patients.
La recherche du chromosome de Philadelphie (Phl) permet d’évaluer
la réponse cytogénétique. Selon l'étude IRIS, l’imatinib permet une
réponse cytogénétique majeure (Phl détecté dans moins de 34 % des
mitoses) dans 85 % des cas à 12 mois, 92 % à 60 mois et une réponse
cytogénétique complète (Ph1 négatif dans toutes les mitoses) chez
69 % des patients à 12 mois et 87 % d’entre eux à 60 mois.
La réponse moléculaire au traitement quantifie, sur une échelle logarithmique, l'anomalie moléculaire Bcr-Abl. Le but du traitement est d'obtenir et de maintenir une réponse moléculaire majeure (diminution d’au moins 3 log du taux de transcrits), voire une réponse moléculaire complète (taux de Bcr-Abl indétectable). Cependant, à ce jour, et malgré les résultats impressionnants obtenus avec l’imatinib 400 mg/jour en monothérapie, certains patients n’obtiennent pas ces réponses moléculaires. Raison pour laquelle l’idée d’une association, voire d’une augmentation des doses initiales d’imatinib a émergé, sur la base notamment de résultats observés en phase II avec l’interféron alpha ou avec la cytarabine.
L'essai français SPIRIT du groupe Fi-LMC (Forum Intergroupe de
la Leucémie Myéloïde Chronique), commencé en septembre 2003, est
une étude de phase III conduite chez des patients LMC de novo qui
comporte 4 bras. Les patients ont reçu soit de l’imatinib 400
mg/jour (bras de référence) associé ou non au peginterféron-a2a
(Peg-IFNa2a, 90 µg/semaine) ou à la cytarabine (Ara-C à la dose de
20 mg/m2/jour de J15 à J28, pour des cycles de 28 jours), soit de
l’imatinib à doses initiales élevées : 600 mg/jour. Tous les
patients (n=636, âgés de plus de 18 ans), qui présentaient une LMC
Bcr-Abl positive, ont reçu avant randomisation de l’imatinib en
monothérapie de J1 à J14. L’objectif de SPIRIT était
prioritairement l’évaluation de la survie globale puis l’évaluation
des réponses hématologique, cytogénétique et moléculaire et de la
tolérance aux différents traitements. Les résultats initiaux sur
les premiers patients (n=370, âge moyen de 53 ans) ont été
présentés à l’ASCO.
L’évaluation a été réalisée sur une cohorte de patients de
distribution homogène en terme de sévérité de la maladie, avec un
suivie médian de 16 mois.
Après 1 mois de traitement, 80 % des patients présentaient une
réponse hématologique complète, tandis qu’à 12 mois, 138 patients
(72 % des patients évaluables) présentaient une réponse
cytogénétique majeure, voire complète chez 120 patients (63 %).
En terme de tolérance, les toxicités hématologiques de grade 3 /
4 ont touché 8 % des patients à la dose de 400 mg/jour d’imatinib,
9 % à la dose de 600 mg/jour, 41 % pour l’imatinib+interféron et 33
% pour l’imatinib+cytarabine. Ce qui a entraîné une réduction des
doses de peginterféron alpha chez 16 % des patients, la dose de
45µg étant bien tolérée. Une toxicité non-hématologique de grade
3/4 a é+té retrouvée chez 11 % des patients sous imatinib 400
mg/jour, 16 % sous imatinib 600 mg/jour, 10 % sous
imatinib+peginterféron, et 11 % sous imatinib+cytarabine.
En résumé, des résultats préliminaires qui montrent la faisabilité
des associations et qui retrouvent des taux de réponse très élevés,
mais à l’origine d’une toxicité hématologique nécessitant un suivi
rapproché.
Dr Dominique-Jean Bouilliez