L'asthme doit maintenant être considéré comme une affection inflammatoire chronique des voies aériennes, dont la prévalence est importante, touchant, selon les estimations, de 3 à 5% de la population générale. Il n'est donc pas étonnant qu'il s'agisse de la pathologie respiratoire la plus fréquemment rencontrée lors de la grossesse. Or, on ne sait que très peu de choses sur les relations entre l'asthme et la gravidité. Il est d'usage de dire que environ un tiers des pathologies asthmatiques s'aggravent durant la grossesse, un tiers s'améliore et le dernier tiers reste stable ; tout cela reposant en grande partie sur des idées reçues et non vérifiées.
D'où l'intérêt d'une enquête cas-témoins menée en Californie. Les auteurs ont colligé sur 6 ans (1985-90) tous les cas d'asthmatiques ayant accouché dans leur maternité ; ceci a représenté 183 femmes, soit une incidence (qui semble assez faible) de 0,59%. Seules les femmes qui suivaient régulièrement un traitement, c'est-à- dire 76 d'entre elles, ont été incluses dans l'étude après avoir été séparées en 2 groupes : le groupe 1 qui prenait régulièrement des stéroïdes par voie orale ; le groupe 2 rassemblant toutes les autres, y compris celles qui étaient traitées par stéroïdes inhalés. Elles ont été comparées à un groupe témoin de 130 parturientes.
Les asthmatiques cortico-dépendantes plus souvent hospitalisées
Il est apparu que les asthmatiques cortico-dépendantes avaient un risque plus élevé de développer un diabète insulinodépendant et/ou gestationnel (ce qui n'est guère étonnant). Mais, fait surprenant, elles avaient été deux fois plus souvent hospitalisées pendant la grossesse pour une poussée asthmatique que les femmes non cortico-dépendantes ; quant au risque d'être hospitalisé plus de 4 jours, il était majoré de 5 fois. Il n'y avait pas de différence entre les deux groupes - ni d'ailleurs avec les témoins - pour la fréquence de l'hypertension et de l'éclampsie.
D'autre part, les asthmatiques, quel que soit leur traitement, ont dû être césarisées plus souvent que les témoins du fait de la survenue d'une détresse ftale. De même, les grossesses chez les asthmatiques ont été significativement plus souvent compliquées d'une rupture prématurée des membranes et/ou d'un accouchement prématuré.
Quant aux enfants, ils ont eu plus souvent besoin que ceux des femmes témoins d'un séjour en salle de soins intensifs néonataux. Les patientes cortico-dépendantes ont en outre donné plus souvent naissance à des bébés de plus petit poids (< 2 500 g) que les autres. Il n'y avait, en revanche, aucune différence de survenue de malformations congénitales entre les groupes.
Ces données vont ainsi à l'encontre d'une autre idée communément admise qui veut que si la grossesse n'est pas sans incidence sur l'état respiratoire de la mère, il n'en va pas de même chez l'enfant, censé ne pas souffrir de ce handicap. En fait, il semble qu'il n'en soit rien, surtout chez les asthmatiques sévères, qui nécessitent donc une surveillance soigneuse aussi bien pneumologique qu'obstétricale.
Jean Trédaniel
Perlow J.H. et coll. : "Severity of asthma and perinatal outcome". Am J. Obstet. Gynecol., 1992 ; 167 : 963-967.
TREDANIEL JEAN