
Paris, le samedi 4 décembre 2014 – On les appelle parfois des « transhumanistes ». Une affiliation à ce courant de pensée né aux Etats-Unis qu’ils n’acceptent pas toujours sans nuance. Le biogérontologue britannique Aubrey de Grey et sa longue barbe de vieux sage fait remarquer en souriant lorsqu’on lui rappelle qu’il est membre de l’association américaine transhumaniste : « Je suis membre de beaucoup de choses ». Le chirurgien et spécialiste du séquençage de l'ADN (et accessoirement fondateur de doctissimo et ancien élève de l'ENA !) Laurent Alexandre, expert de ces questions en France, prend de son côté souvent ses distances avec ce mouvement, pour en rappeler les dangers et les dérives potentielles. Cependant, ces deux scientifiques partagent avec les transhumanistes l’idée que les NBIC (nanotechnologie, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) sont appelées à changer significativement la condition humaine, grâce aux améliorations physiques et intellectuelles qu’elles rendent possibles.
Eradiquer la vieillesse
Leurs discours ne manquent pas de finesse et de complexité, mais ils sont cependant souvent résumés par un chiffre volontairement frappant : l’homme qui vivra 1 000 ans est sans doute déjà né assurent-ils. Cette petite formule qui produit toujours le même effet, mélange de fascination et d’incrédulité, a été une nouvelle fois utilisée par Aubrey de Grey, dans une interview accordée au site 01net à l’occasion du récent colloque Transvision 2014. Celui qui fut initialement ingénieur informatique, avant de s’intéresser à la biologie et notamment au vieillissement a créé la Fondation de recherche « Sens » qui conduit « un ensemble de projets dédiés à la réparation des dommages du corps » explique-t-il. La régénération des tissus cellulaires et/ou l’élimination des cellules vieillissantes sont les objectifs des travaux soutenus par cette fondation. Ajoutés aux prouesses des technologies informatiques, de telles avancées (si elles étaient possibles) permettraient sans doute de repousser le moment de la mort. « C’est très difficile de prédire combien de temps les gens vivront dans le futur parce que beaucoup de choses très différentes peuvent les affecter (…). Mais mon but est de garder les gens en bonne santé (…). Dans ces circonstances, si vous calculez l’espérance de vie, elle devrait atteindre certainement au moins 1 000 ans. Celui qui vivra 1 000 ans est d’ailleurs probablement déjà né. Mais c’est de la complète spéculation, car nous ne savons pas quels vont être les autres progrès médicaux d’ici là » explique le biogérontologue interrogé par 01net. Un tel raisonnement a déjà été développé à plusieurs reprises par le scientifique britannique. A Paris Match au début de l’année, il affirmait ainsi : « Les médecines qui visent à régénérer l’homme sont toutes en développement (…). Je crois que nous avons 50 % de chances de développer les connaissances essentielles pour comprendre les maladies liées à la vieillesse, et dès lors, appliquer un panel de thérapies pour éradiquer ces maladies ».
Avoir 90 ans en 2113 : une époque où les progrès de la science sont aujourd’hui insoupçonnés
Aubrey de Grey n’est pas le seul scientifique à proposer un tel discours. Laurent Alexandre en France a également déjà évoqué la possibilité que l’homme dont l’existence pourrait durer mille ans soit déjà né. L’an dernier, les journalistes de la Libre Belgique l’avait interrogé sur ce type de déclaration pouvant être assimilé à de la provocation. Il avait explicité : « Quelqu’un qui naît aujourd’hui aura 90 ans en 2113, il bénéficiera des nombreuses innovations en nano-biotechnologie juste inimaginables aujourd’hui. Il s’agit de cellules souches, de thérapies géniques, de séquençage de l’ADN et de futures innovations – inconnues à l’heure actuelle – qui vont radicalement changer l’espérance de vie des humains » avant de rappeler que l’espérance de vie a connu ces dernières décennies des augmentations spectaculaires grâce aux progrès de la science : il est difficile d’imaginer que ces derniers ne soient plus dans l’avenir capables d’influer de nouveau sur cette donnée.
Aurélie Haroche