Bioéquivalence des génériques dans l’épilepsie : le doute s‘installe…

En France, les génériques sont rentrés dans les mœurs avec, certes, beaucoup de retard. Cette résistance à leur utilisation est plus en rapport avec les habitudes qu’avec un doute sur leur bioéquivalence. Pourtant certains praticiens ont rapporté quelques observations isolées de patients ayant présenté une crise au remplacement de leur antiépileptique par une substance générique. S’agissait il d’une coïncidence ou plutôt d’un problème d’équivalence ? En France, il existe peu de données sur ce sujet mais l’expérience est plus importante dans les pays anglo-saxons et dans le reste de l’Europe. Deux études ont été présentées à Boston suggérant un lien de causalité.

L’étude américaine (1) a interrogé par Internet 451 neurologues prenant en charge des patients épileptiques. Il leur a été demandé de se rappeler si un de leurs patients avaient présenté une crise lors d’une substitution par un générique. Un échantillon aléatoire de ces praticiens (n=150) a ensuite complété une fiche d’information. 57 sur les 69 incidents ont finalement été analysés. Les molécules génériques concernées étaient la phénytoïne, l’acide valproïque, la carbamazépine, le gabapentine et le zonizamide. Dans cette enquête, 89 % des médecins n’ont pas trouvé d’autres explications à la reprise des crises.

Une autre étude (2) a été effectuée en Europe (Autriche, Suisse et Allemagne). 2 800 médecins ont été contactés par Internet. Les praticiens ayant répondu positivement ont été recontactés (n=606, soit 21,6 %). Il s’agissait de pédiatres (23,7 %), de neurologues (61,8 %) et de psychiatres.
44 % des praticiens ayant répondu au questionnaire ont considéré qu’il existait des problèmes de bioéquivalence entre génériques et médicaments d’origine. 

Ces études rétrospectives peuvent être facilement critiquées en raison de leurs limites méthodologiques importantes et leurs conclusions ne peuvent en aucun cas être considérées comme définitives. Mais le doute s’étant « instillé », il apparaît important de vérifier cette hypothèse et de rétablir la confiance dans les anti-épileptiques génériques.

Dr Christian Geny

Références
(1) LeLorier J et coll. : “ Patterns and Clinical Consequences of Generic Switching in Antiepileptic Drugs. A Review of the Quebec Experience.”
(2) Krämer GK et coll. : “Experience with Generic Antiepileptic Drugs in Germany, Austria, and Switzerland.”
American Academy of Neurology 59th annual meeting (Boston, USA) : 28 avril – 5 mai 2007.

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Vos réactions (3)

  • "Bioéquivalence des génériques dans l’épilepsie : le doute s‘installe…"

    Le 16 mai 2007

    Il faut savoir que la bioéquivalence entre un générique et le médicament princeps n'est pas forcément identique puisque des marges de moins 20 % à plus 25 % de biodisponibilité sont tolérées. Par conséquent, la substitution des médicaments à marge thérapeutique étroite (parmi lesquels les anti-épileptiques) n'est pas dénuée de risque, en particulier quand la biodisponibilité du générique est moins bonne. De plus, le changement d'un générique à un autre peut entraîner une modification importante de concentration plasmatique en principe actif chez un même patient. C'est pourquoi certains pays européens interdisent la substitution des anti-épileptiques. En France, nous disposons de peu de notifications spontanées en pharmacovigilance. Il serait vraiment utile que les neurologues, pédiatres ou autres professionnels de santé confrontés à des effets secondaires de médicaments génériques contactent leur Centre Régional de Pharmacovigilance afin que des mesures efficaces puissent être décidées par l'Afssaps.

    Dr Blandine de la Gastine, CRPV de Caen (Basse-Normandie)

  • "Bioéquivalence des génériques dans l’épilepsie : le doute s‘installe…"

    Le 16 mai 2007

    Pourquoi passe t'on complètement sous silence la biodisponibilité du principe actif dans un médicament? Entre deux médicaments contenant le même principe actif à la même dose, il y a souvent des différences d'excipient qui ne sont pas forcément neutres et qui peuvent entraîner une libération plus ou moins rapide du principe actif: celui-ci est donc plus ou moins vite disponible mais aussi plus ou moins vite dégradé!
    La galénique d'un médicament est un facteur important de son efficacité ... Il me semble donc logique qu'un générique n'ait pas forcément la même efficacité.

    Francis Le Gaillard, professeur Faculté de Pharmacie de Toulouse

  • "Bioéquivalence des génériques dans l’épilepsie : le doute s‘installe…"

    Le 17 mai 2007

    Je suis surpris. La relation concentration sanguine et efficacité n'est pas évoquée. Certaines de ces molécules nécessitent de faire ce suivi, cela n'est pas rappelé. Combien de patients suivis ? Combien de crises chez les patients non substitués ? Combien de crises chez les patients substitués par un générique ? Est-ce significatif ? Le choc psychologique de la substitution est-il pris en compte ? Il ne faut quand même pas oublier que nombreux génériques sont fabriqués par le laboratoire du princeps.

    Dr Eric Douriez

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