Bonjour Dr Google

Mountain View, le samedi 18 octobre 2014 – Imaginez que vous êtes un passionné de la peinture à la renaissance italienne et que vous cherchez des précisions sur les pigments utilisés par un Botticelli, un Raphaël ou un Carpaccio. Il n’est pas tout à fait sûr qu’internet vous offre obligatoirement les réponses que vous attendez à moins que vous n’ayez la chance (assez fréquente sur le web) de dénicher la thèse d’un étudiant en histoire de l’art. Depuis quelques mois, ces longues heures obstinées à rechercher une information aussi précise ont été remplacées par un nouveau système baptisé « Helpouts ». Accessible aux utilisateurs de Google +, ce dispositif (qui se développe peu à peu dans tous les pays mais qui demeure d’abord américain) consiste à mettre en relation les internautes avec des « experts » dans différents domaines (art, musique, cuisine, fitness et autres) lorsqu’ils présentent certaines requêtes. Ainsi, en tapant « pigment + Botticelli + Carpaccio », les abonnés de Google + ayant connaissance de Helpouts peuvent être mis en relation avec un expert de ces questions  moyennant finance ou visionner une vidéo préenregistrée (également payante) sur la beauté de la renaissance italienne.

N’auriez-vous pas besoin d’un médecin ?

Elargir « Helpouts » à la médecine ne pouvait évidemment que tenter la firme Google, qui s’est déjà investie à plusieurs reprises dans ce domaine. Ainsi, depuis quelques semaines aux Etats-Unis est testée une nouvelle fonctionnalité. Le système est le même mais n’est pas seulement réservé aux adhérents de « Google + » familiers d’Helpouts. Plus simplement, l’internaute qui pris d’une douleur à l’annulaire tape frénétiquement (mais avec neuf doigts) sur google « douleur annulaire » voit s’ouvrir une petite fenêtre qui lui propose : « Il semble que vous tentez d’avoir une réponse à une situation médicale. Nous pouvons si vous le souhaitez vous proposer une conversation vidéo avec un médecin ». Et voici l’internaute affligé de son annulaire ankylosé, rassuré ou pas par un vrai praticien et non embarqué dans la lecture de la prose des dizaines d’utilisateurs de forums ayant tôt fait d’attribuer n’importe quelle douleur à l’apparition d’un cancer fulgurant ou les sites internets préconisant la méditation, le choux rouge et la liberté d’esprit comme seul vrai remède aux souffrances articulaires.

Vie privée et tout le toutim

L’évaluation de cette nouvelle fonctionnalité a évidemment beaucoup fait réagir aux Etats-Unis comme ailleurs. Car tous, loin de là, ne voient pas seulement ici une occasion d’éloigner les internautes soucieux de santé (de plus en plus nombreux on le sait) des élucubrations parfois dangereuses du web. Certains s’interrogent tout d’abord sur cette nouvelle intrusion de Google dans notre vie privée : ne sera-t-il plus permis de s’interroger sur une vulgaire douleur au doigt de pied sans que tout le monde et « Google » le premier ne soit aux petits soins ? Par ailleurs, des questions se posent sur la qualité des interventions faites dans ces conditions : un « chat vidéo » peut-il réellement remplacer une consultation ? Même si déjà aujourd’hui, certains usent de ce moyen notamment pour assurer le suivi de patients isolés ou connaissant de grandes difficultés à se déplacer, dans le cas de notre internaute à l’annulaire brisé, un véritable examen clinique, avec « palpation » de la zone douloureuse ne serait-il pas préférable ? Enfin, quid du prix ? Aujourd’hui en phase de test, le système est gratuit comme le précise Google qui indique « Le coût de la consultation sera entièrement assumé par Google durant cet essai ». Cette formulation suggère cependant que les choses pourraient évoluer. Comment dès lors les praticiens seront-ils rémunérés ? Par l’intermédiaire de Google qui percevra les fonds pour eux, risquant de mettre à mal l’indépendance des médecins ? Directement par les patients ?

Notre petit doigt nous dit que les voies de Google restent encore sur ce point impénétrables.

Aurélie Haroche

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