
Auckland, le samedi 27 février 2016 – Ces derniers mois ont été médiatisées les difficultés rencontrées par certains médecins généralistes pour trouver un remplaçant au moment où ils souhaitent prendre leur retraite. Les praticiens français, exerçant en zone rurale ou semi rurale, ne sont pas les seuls dans le monde à faire face à la désaffection des jeunes générations pour la pratique libérale, notamment à l’écart des grandes villes. En nouvelle Zélande, le docteur Alan Kenny est également touché de plein fouet par ce fléau.
Trois mois de vacances et des soirées et week-ends préservés
Médecin depuis trente ans dans la ville de Tokoroa, le docteur Alan Kenny a vu son activité fortement augmenter ces dernières années. Le vieillissement de la population de cette cité de 13 600 habitants, mais aussi le départ non remplacé de plusieurs autres médecins expliquent cette progression. Bien qu’âgé de 61ans, le docteur Kenny ne souhaite pas prendre sa retraite, affirmant aimer son métier. Cependant, après avoir dû annuler ses vacances à plusieurs reprises ces derniers mois faute de remplaçant et multipliant les journées et les semaines à rallonge (il dépasse régulièrement la recommandation du Royal College des médecins généralistes de ne pas voir plus de 25 malades par jour !), le praticien souhaiterait pouvoir partager sa patientèle. Il a donc publié sur internet il y a quelques mois une annonce très alléchante. Contre un salaire de 400 000 dollars néozélandais (soit près de 240 000 euros), la perspective de ne travailler ni le week-end, ni en soirée et de pouvoir prendre trois mois de vacances par an, un médecin anglophone était invité à rejoindre la tranquille ville de Tokoroa, dans une région de Nouvelle Zélande où l’immobiliser connaît les prix les plus bas du marché.
Un air de déjà vu
En dépit de ces conditions tarifaires qui sont deux fois plus élevées que le revenu moyen des médecins de ville en Nouvelle-Zélande et qui dépassent également celles observées dans de nombreux autres pays, pendant de longs mois, le docteur Kenny n’a reçu aucune proposition. Les candidatures qu’ils voient affluer depuis quelques jours après la médiatisation de ses déboires par le journal The Guardian ne sont guère plus encourageantes : la très grande majorité émane de praticiens non anglophones… ou de non médecins ! Les difficultés d’Alan Kenny ne sont que le reflet de la désertification que connaissent nombre de petites villes en Nouvelle Zélande et au-delà de la désaffection pour la pratique de ville. Les raisons de la fuite des médecins est la même qu’en France : des structures scolaires trop éloignées, l’éloignement des grandes villes, mais aussi un réseau téléphonique souvent de mauvaise qualité, énumère citée par le Guardian Linda Reynolds, la vice-présidente du réseau des médecins ruraux. Comme en France, également, les praticiens estiment que des modifications devraient être apportées dès les études médicales pour faire évoluer la situation. « Auckland a la plus grosse faculté de médecine et la plupart des étudiants proviennent de riches familles d’Auckland. Si l’on recrutait les futurs médecins dans les zones rurales, ils viendraient peut-être s’y installer » observe ainsi le docteur Alan Kenny. Résultat : un grand nombre de médecins étrangers viennent repeupler les campagnes néozélandaises. Une situation qui prévalait déjà il y a une trentaine d’années. Alan Kenny est né citoyen britannique.
Aurélie Haroche