CARDIOMYOPATHIES : LES CMD AU THALLIUM

Lorsque, chez un patient, on diagnostique une cardiomyopathie dilatée (CMD), la recherche d'une éventuelle étiologie ischémique est importante puisqu'elle peut modifier l'attitude thérapeutique (revascularisation en plus du traitement médical conventionnel). La coronarographie reste l'examen de référence dans ce domaine, car elle seule autorise la mise en évidence de sténoses coronaires permettant d'expliquer la dysfonction ventriculaire gauche (VG).

Ischémique
ou idiopathique ?

Tauberg et coll. ont analysé l'intérêt de la scintigraphie au thal-lium201 pour différencier les CMD ischémiques et idiopathiques.

Ils ont étudié 51 patients, d'âge moyen 55 ans, adressés pour insuffisance cardiaque et ayant une fraction d'éjection VG inférieure à 35%. La majorité des sujets était en classe NYHA II ou III. D'après les résultats de la coronarographie, les patients étaient divisés en deux groupes : 31 ayant une cardiopathie d'origine ischémique et 20 autres aucune étiologie décelable.

Tous les malades ont réalisé une épreuve d'effort couplée à une scintigraphie au thallium. Une analyse quantitative de cet examen permettait de classer les défects scintigraphiques en étendue et sévérité. De plus, un score de défect exprimant l'étendue des régions myocardiques ayant une fixation du thallium au-dessous de la limite inférieure normale, était calculé par rapport aux résultats de sujets normaux servant de référence.

Déficit scintigraphique

Les deux groupes (ischémiques et idiopathiques) étaient comparables sur le plan de l'âge, de la classe fonctionnelle, du sexe, de la fraction d'éjection VG et de la capacité d'effort. Seule la fraction d'éjection ventriculaire droite était la plus basse dans les CMD idiopathiques. Une onde Q de nécrose était présente dans 48% des CMD ischémiques et jamais en cas de CMD idiopathiques.

Des défects scintigraphiques étaient présents chez tous les patients, quelle que soit l'étiologie. Cependant, ils étaient plus étendus et plus sévères en cas de CMD ischémique.

En effet, un défect de plus de 40% du VG était observé dans 100% des ischémiques contre 80% des idiopathiques et un défect sévère (aucune ou très faible fixation du thallium) dans 97% contre 25%. En combinant les deux caractéristiques, les défects larges et sévères s'observaient dans 90% des ischémiques et seulement 5% des idiopathiques. Leur redistribution (amélioration de la fixation) à distance de l'effort ne permettait pas de différencier correctement les deux populations, même si tous les défects sévères redistribuant appartenaient au groupe des CMD ischémiques. La sensibilité et la spécificité d'un défect large et sévère pour le diagnostic de l'étiologie ischémique étaient respectivement de 90 et 95%. Le score de défect avait également une bonne valeur discriminative avec comme meilleure valeur de partage : 7% (8% des ischémiques avaient un score supérieur à 7% contre 14% des idiopathiques).

Plus large et sévère
en cas d'ischémie

Les différences structurales et fonctionnelles du myocarde de la cardiopathie ischémique et "idiopathique" se traduisent donc par des défects scintigraphiques plus marqués et plus étendus dans le premier cas.

Si cette étude démontre un intérêt de la scintigraphie pour rechercher une origine ischémique à une CMD dans une population donnée, il n'en demeure pas moins que le diagnostic ne peut être formel chez un patient, n'évitant pas la coronarographie si l'on veut obtenir une certitude. Seule la présence de défects larges et sévères redistribuant après l'effort permettrait d'affirmer une origine ischémique d'après ce travail. La deuxième limite de cette étude, notée par les auteurs, est qu'ils n'ont pas réalisé de réinjection de thallium lors de la redistribution.

Réinjection de thallium
lors de la redistribution

Or, on sait bien que les informations concernant la viabilité myocardique ne peuvent être obtenues que par cette méthode. Les résultats pourraient donc être plus discriminatifs avec cette technique qui sera certainement évaluée prochainement dans cette indication. Devant un ventricule gauche dilaté et hypocontractile, il n'existe donc pas encore de méthode non invasive permettant d'affirmer ou d'exclure une origine ischémique, en dehors de l'onde Q de nécrose.

 

Tauberg S. G. et coll. : "Usefulness of Thallium 201 for distinction of ischemic from idiopathic dilated cardiomyopathy". Am. J. Cardiol., 1993 ; 71 : 674-680.

Christophe Chauvel

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