SEIPA est l'acronyme du Syndrome d'Entérocolite Induite par les Protéines Alimentaires. Cette allergie alimentaire non IgE-médiée provoque des manifestations digestives différées (1). Encore peu connu de la communauté médicale, le SEIPA est potentiellement sévère, en particulier chez le jeune enfant. Des cas de SEIPA au lait de vache, au soja, aux fruits de mer ou à l'œuf ont été décrits chez l'adulte. Les aliments en cause chez l'enfant diffèrent selon les zones géographiques et sont surtout le lait de vache, les formules au soja, mais aussi les grains (riz, céréales) et certains aliments solides (poisson, œufs, volailles…). La seule étude épidémiologique prospective publiée (2) a été réalisée en Israël chez 13 000 nourrissons de 0 à 2 ans qui rapporte une incidence cumulée de 0,34 % pour la SEIPA au lait de vache (0,9 % pour l'allergie IgE-médiée au lait de vache). Enfin, de nombreuses allergies croisées ont été décrites chez plus d'1/3 des patients, notamment entre le lait de vache et le soja, entre les graines et les aliments solides.
Quels critères diagnostiques ?
En l'absence de marqueurs biologiques spécifiques, le diagnostic repose sur l'existence de symptômes typiques après avoir exclu d'autres causes. Selon un récent consensus international (3), le diagnostic de SEIPA aigu chez le petit enfant est évoqué sur un critère majeur et au moins 3 critères mineurs. Le majeur est la présence de vomissements 1 à 4 heures après l'ingestion de l'aliment suspect, sans signe d'allergie IgE-médiée (signes cutanés et respiratoires notamment). Les 9 critères mineurs sont les suivants : 2e épisode de vomissements répétés après l'ingestion du même aliment ; épisode de vomissements répétés 1 à 4 h après l'ingestion d'un aliment différent ; léthargie extrême ; pâleur marquée ; nécessité d'hospitaliser en urgence ; nécessité d'une réhydratation intraveineuse ; diarrhée dans les 24 heures (parfois sanglante) ; hypotension artérielle ; hypothermie. La sévérité du SEIPA est définie par l'importance de la léthargie, de la déshydratation et des complications (hypotension, hypothermie, état de choc, acidose métabolique, méthémoglobinémie. Il n’y a pas de marqueur fiable et spécifique de cette maladie, en dehors d’une augmentation des polynucléaires neutrophiles au moment des symptômes. L’interrogatoire est très important pour identifier l’aliment suspect.
Quelle prise en charge ?
La prise en charge du SEIPA aigu typique consiste d'abord à restaurer et stabiliser les paramètres hémodynamiques, à corriger les complications, à réduire les vomissements avec un antiémétique (ondansetron, sauf en cas de cardiopathie) et à éliminer l'aliment en cause. La majorité des nourrissons ayant un SEIPA au lait de vache bénéficieront de l'allaitement au sein ou d’hydrolysats poussés de protéines de lait de vache, voire, plus rarement, de formules d’acides aminés.
Du SEIPA aigu au SEIPA chronique
Si l'aliment causal est consommé très fréquemment et durablement, le SEIPA peut devenir chronique. Les vomissements intermittents et la diarrhée chronique se répercutent alors sur la prise de poids et/ou le développement de l'enfant (cassure de la courbe de poids). Peuvent s'y ajouter une déshydratation et une acidose métabolique. Les symptômes régresseront après l'éviction de l'aliment en cause. Dans les cas sévères, la réintroduction de l'aliment causal et la diversification alimentaire peuvent s'avérer difficiles.
SEIPA et TPO
Chez les enfants ayant présenté 2 épisodes de SEIPA typiques, le test de provocation oral (TPO) visant à confirmer l'origine allergique n'est pas recommandé du fait de son coût et de ses risques. Si un TPO est envisagé, il doit être précédé d'un dosage des IgE spécifiques ou prick test, dont le résultat permettra d'adapter la prise en charge, car une allergie IgE-médiée peut co-exister chez certains patients. Le TPO sera réalisé dans un environnement médical permettant une réhydratation par voie intraveineuse et une surveillance attentive.
Quelle évolution ?
En termes d'évolution, les SEIPA au lait de vache et au soja tendent à disparaître plus rapidement que les SEIPA aux aliments solides. Globalement, la majorité des patients acquièrent spontanément une tolérance dans les 5 premières années de vie. L'acquisition de cette tolérance peut être évaluée par un TPO tous les 12 à 18 mois. Sinon, le SEIPA peut se prolonger à l'adolescence et à l'âge adulte.
Dr Véronique Canac