Comment détecter les douleurs abdominales fonctionnelles de l’enfant ?

Les douleurs abdominales fonctionnelles de l’enfant représentent 11 % des motifs de consultation aux urgences. Elles constituent aussi un défi : celui de déterminer si les douleurs ont une origine organique ou fonctionnelle. C’est le sujet traité par le Dr Marc Bellaïche au cours des JIRP qui se tenaient à Versailles les 7 et 8 octobre derniers.

Si la description de la douleur peut avoir une valeur d’orientation, aucun critère typologique n’est validé pour différencier les douleurs organiques et fonctionnelles. Toutefois, leur description par des « termes sensoriels » ou leur caractère fluctuant peuvent orienter vers une douleur de type fonctionnel, alors que des crampes, des brûlures ou leur caractère continu évoqueront plutôt une douleur organique. En revanche, une douleur nocturne ou la présence de vomissements ne signent pas forcément une douleur organique.

Les critères de Rome, encore et toujours

Pour sa démarche diagnostique, le praticien doit se référer aux critères de Rome IV qui définissent les « red flags », signaux d’alerte qui orientent vers une douleur organique : perte de poids, retard de croissance, vomissements importants, diarrhée chronique, saignements digestifs, fièvre, antécédent familial de MICI, ou toute anomalie à l’examen clinique.

L’examen de l’enfant doit être complet, incluant un examen soigneux de la bouche et de la région ano-périnéale, à la recherche de lésions évoquant la présence d’une MICI (dont le Dr M. Bellaïche signale une forte progression de l’incidence). Une étude récente menée sur 606 patients montrait que les troubles fonctionnels étaient plus souvent associés à des facteurs de stress, des antécédents familiaux de troubles fonctionnels, des vomissements, à un reflux ou à la constipation. En revanche, des rectorragies, une perte de poids ou une cassure de la courbe, une anémie plaident en faveur d’une maladie de Crohn.

Quels examens complémentaires ?

En l’absence de pathologie organique, le praticien devra convaincre les patients et les parents de la nature fonctionnelle des troubles. Si le diagnostic est clinique, reconnaissons que certains examens complémentaires peuvent s’avérer utiles pour convaincre de l’absence de pathologie grave. C’est le cas d’une numération sanguine et d’un dosage de la CRP, qui objectiveront l’absence d’inflammation. En revanche, l’abdomen sans préparation et l’échographe abdominale sont sans intérêt. La présence d’une dyspepsie conduit à s’interroger sur l’indication d’une endoscopie œsophago-gastro-duodénale. Elle est nécessaire en cas de localisation épigastrique des douleurs associée à d’autres critères : antécédents familiaux, altération de l’état général, perte de poids, vomissements ou anémie.

Pour rassurer les parents il est utile de leur expliquer le mécanisme des douleurs et parfois de débusquer certains facteurs favorisants  comme une infection (gastro-entérite) ou une allergie (il pourrait exister un lien entre l’allergie aux protéines de lait de vache et les troubles fonctionnels).

Plusieurs types de douleurs abdominales fonctionnelles ont été définis : la dyspepsie fonctionnelle (25 %), le syndrome de l’intestin irritable (45 %), la migraine abdominale (15 %) et les douleurs abdominales fonctionnelles non spécifiques (35 %), plusieurs types de douleurs pouvant être associés chez le même patient.

Une prise en charge nécessaire mais non consensuelle

Aucun traitement n’a fait la preuve irréfutable de son efficacité pour les troubles fonctionnels intestinaux, mais les symptômes doivent être pris en charge, au besoin avec un placebo (qui améliore les douleurs chez 4 enfants sur 10). En cas de dyspepsie fonctionnelle, la famotidine peut s’avérer plus efficace que les IPP (mais pas d’AMM avant 15 ans), la migraine abdominale bénéficie d’un traitement anti-migraineux, la constipation nécessite un traitement au long cours, en proscrivant suppositoires et lavements. Certains probiotiques peuvent améliorer les symptômes (Vivomixx, Probiolog, Biogaia). S’il n’existe pas non plus de consensus pour une prise en charge diététique, une alimentation équilibrée, de type méditerranéen, est recommandée. Les travaux ne démontrent pas l’intérêt d’un enrichissement de l’alimentation en fibres. En revanche, un régime pauvre en FODMAP’S (sucres non absorbables) peut apporter une amélioration, mais il doit être mené avec l’aide d’un diététicien. Finalement, la prise en charge sera pluridisciplinaire et pourra intégrer aussi les thérapies comportementales et l’hypnose qui s’avèrent souvent efficaces.

Le Dr M. Bellaïche rappelle que le praticien ne doit pas oublier que, pour l’enfant, les douleurs fonctionnelles abdominales sont une manière de s’exprimer et d’obtenir du réconfort.

Dr Roseline Péluchon

Références
Dr Marc Bellaïche - Douleurs abdominales fonctionnelles de l’enfant : quelle approche ? 22èmes Journées Interactives de Réalités Pédiatriques – Versailles - 7/8 Octobre 2021

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