Coup de sang peu diplomatique

Quito, le samedi 28 juin 2014 – La richesse génétique des populations indigènes vivant en Amazonie passionne des chercheurs depuis plusieurs décennies. La résistance de ces tribus à certaines maladies suscite également un grand intérêt. Aussi, des investigations ont été conduites par des spécialistes occidentaux, en particulier Américains. Cependant, à plusieurs reprises ces dernières années, les gouvernements des Etats d’Amérique du Sud où de tels travaux ont pu être conduits ont dénoncé les conditions dans lesquelles, dans certains cas, les prélèvements sanguins et d’ADN avaient été réalisés. L’absence de consentement et d’information claire a notamment été évoquée. Ainsi, en 1996, des chercheurs Brésiliens avaient accusé l’institut américain Coriell d’avoir vendu de l’ADN prélevé sur des individus issus des tribus Karitania et Surui qui vivent dans l’Etat de Rondonia. 

Prises de sang sans consentement

Ce même institut est également au centre des accusations qui ont été récemment relancées par  l’Equateur. Le secrétaire d’Etat à l’Education et aux Sciences René Ramirez a ainsi affirmé il y a quelques jours que jusqu’à 3 500 prises de sang auraient été réalisées auprès de 600 membres de l’ethnie Waorani (groupe qui compte 3 000 personnes vivant en Amazonie équatorienne), il y a plus d’une trentaine d’années, sans que le consentement d’au moins 80 % de ces indigènes n’ait été recueilli. « Il a été prouvé que l'institut Coriell a dans ses stocks des échantillons et vend du matériel génétique issu de la communauté Waorani » affirme par ailleurs un rapport publié par le Défenseur d'Equateur (DPE) qui se base sur des témoignages, évoquant comment deux Américains (dont un médecin travaillant pour la compagnie pétrolière Maxus présente en Amazonie jusqu’au milieu des années 90) auraient affirmé aux populations que l’objectif était la réalisation d’examens médicaux. Pour le médiateur national équatorien, il est probable que ces prélèvements « illégaux » n’aient pas concerné uniquement cette tribu, mais ont également pu toucher d’autres communautés indigènes d’Amazonie. Il rappelle par ailleurs que la Constitution équatorienne interdit « l’utilisation de matériel génétique et l’expérimentation scientifique qui porte atteinte aux droits de l’homme ». Cependant, la confirmation et la reconnaissance d’une « faute » pourraient s’avérer très difficiles.

Des accusations répétées au service d’une hostilité latente

Ces accusations sont lancées dans un contexte de tensions diplomatiques persistantes entre les Etats-Unis et l’Equateur. L’ambassade américaine à Quito s’est d’ailleurs refusée à tout commentaire. De son côté le laboratoire Coriell avait reconnu il y a deux ans avoir été en possession de matériel génétique prélevé au sein de la tribu équatorienne, obtenu auprès d’un chercheur de la Harvard Medical School. Il s’est cependant défendu de toute utilisation de ce matériel à des fins commerciales. Des explications qui apparemment n’ont pas été considérées suffisantes à Quito.

Aurélie Haroche

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