Couvre-feu : l’exemple de la Guyane

Cayenne, le mercredi 14 octobre 2020 – Le Président de la République Emmanuel Macron pourrait annoncer ce mercredi soir la mise en place d’un couvre-feu dans les régions les plus touchés par l’épidémie. Une telle mesure est déjà en vigueur en Guyane depuis juin.

Il nous est évidemment impossible de savoir quelles nouvelles mesures de restriction le Président de la République Emmanuel Macron va annoncer dans son allocution télévisée de ce mercredi soir. La pandémie actuelle nous a rappelé que les prévisions étaient toujours hasardeuses et qu’il fallait être prêt à toute éventualité, y compris concernant les décisions gouvernementales. Mais si l’on en croit les rumeurs et les bruits de couloirs, le chef de l’État pourrait annoncer la mise en place d’un couvre-feu nocturne dans les régions les plus touchés par la « seconde vague » et notamment à Paris.

Une mesure qui permettrait d’éviter un confinement drastique tout en contournant l’impossibilité (liée à une décision du Conseil Constitutionnel) d’interdire les rassemblements privés. Dans sa prise de décision, le Président de la République pourrait s’appuyer sur l’exemple de l’Allemagne, présenté à raison comme un bon élève européen et qui a mis en place un couvre-feu dans plusieurs de ses grandes villes. Surtout, il pourra tirer les leçons du couvre-feu mis en place en Guyane française.

Un premier couvre-feu avait été mis en place en Guyane durant le confinement, toutes sorties étant interdites entre 21h et 5h (et entre 20h et 6h à Cayenne). Mais c’est surtout le deuxième couvre-feu, mis en place en juin, qui pourrait servir d’exemple en métropole. Face à une flambée des cas liée au déconfinement, le préfet de Guyane avait mis en place le 21 juin dernier un couvre-feu drastique dans la plupart des villes du département. Les Guyanais avaient ainsi l’interdiction de sortir de chez eux entre 17h et 5h et durant toute la journée du dimanche, sauf raisons professionnels ou familiales impérieuses.

Un couvre-feu apparemment efficace

L’efficacité de cette mesure a été étudié par des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Institut Pasteur. Leurs résultats n’ont pas encore été publiés dans une revue scientifique mais ont déjà été mis en ligne ce lundi. Selon les chercheurs, il est indéniable que la mise en place du couvre-feu a été suivi d’une amélioration rapide de la situation épidémique : le R0 est passé de 1,7 à 1,1, le nombre de nouveaux cas a diminué (350 contaminations quotidiennes début juillet contre environ 80 début août) suivi du nombre d’hospitalisations en réanimation.

Les auteurs de l’étude se montrent cependant prudent sur le rôle réel du couvre-feu dans ce ralentissement de l’épidémie. D’abord évidemment car deux évènements concomitants ne sont pas forcément liés. Ensuite parce que la Guyane a pris au même moment d’autres mesures qui ont également influencé sur l’épidémie, comme la fermeture des bars et restaurants et la fermeture de la frontière avec le Brésil, foyer épidémique majeur.

Un couvre-feu pas prêt d’être levé

Les autorités sanitaires locales sont en revanche beaucoup plus catégoriques et considèrent que le couvre-feu a eu un impact majeur sur la situation épidémique. Selon Clara de Bort, directrice de l’Agence régionale de santé (ARS) « le couvre-feu a réduit immédiatement d’un tiers la circulation du virus et ça a eu un effet immédiat, c’est-à-dire que le jour même du couvre-feu vous commencez à être efficace ». Le couvre-feu aurait notamment pour vertu de freiner l’épidémie tout en maintenant en partie l’activité économique et sociale. Mais toujours selon Mme de Bort, l’efficacité du couvre-feu en Guyane ne préjuge pas de sa réussite en métropole. « Je ne pense pas que le couvre-feu guyanais peut être calqué pour un couvre-feu parisien ».

Aujourd’hui, le couvre-feu en vigueur en Guyane a été allégé et les Guyanais ont l’interdiction de sortir de chez eux « seulement » entre 23h et 5h du matin. L’épidémie semble désormais sous contrôle avec moins d’une trentaine de nouvelles contaminations détectés chaque jour. Pourtant, pas question de supprimer le couvre-feu, le préfet Marc del Grande estimant « qu’il ne serait pas responsable de ne pas le maintenir ». On voit ici l’un des inconvénients de tels mesures : si elles sont relativement « faciles » à mettre en place il est plus compliqué de les abandonner.

Quentin Haroche

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