
Les études ont démontré qu'au moins 20 % des personnes infectées par le SARS-CoV-2 restent asymptomatiques. Bien que la plupart des efforts au niveau mondial se soient concentrés sur les cas graves de COVID-19, l'examen des infections asymptomatiques offre une opportunité unique pour étudier les caractéristiques immunologiques précoces favorisant une élimination rapide du virus et les implications éventuelles pour les mesures de santé publique, la conception des vaccins et le développement de thérapies.
Une étude prospective a été menée pour explorer les facteurs génétiques associés à l'infection asymptomatique par le SARS-CoV-2, en ciblant le gène HLA (Antigène Leucocytaire Humain), qui joue un rôle crucial dans la réponse immunitaire. En utilisant une base de données médicales pré-existante à la pandémie, les chercheurs ont invité des donneurs de moelle osseuse bénévoles, chez qui les génotypages HLA à haute résolution étaient déjà disponibles, à participer à "COVID-19 Citizen Science Study", une étude basée sur une application mobile conçue pour suivre les symptômes et les résultats de la COVID-19, y compris les tests positifs autodéclarés pour l'infection au SARS-CoV-2.
HLA-B*15:01 significativement associé à l'infection asymptomatique
Au total, 29 947 individus précédemment génotypés pour le HLA ont été recrutés afin d'étudier l'infection virale et le cours de la maladie. Parmi eux, 1 428 individus asymptomatiques ayant été testés positifs pour le SARS-CoV-2 ont été identifiés comme la "cohorte de découverte". Deux autres cohortes indépendantes ont également été examinées pour confirmer les résultats. Les chercheurs ont effectué une analyse de l'association génétique en testant cinq allèles HLA (HLA-A, HLA-B, HLA-C, HLA-DRB1, HLA-DQB1) avec la présence d'une infection asymptomatique par le SARS-CoV-2.
Le gène HLA-B*15:01 était significativement associé à l'infection asymptomatique chez les participants ayant obtenu un résultat positif au test du SARS-CoV-2. Les individus portant cet allèle commun étaient plus de deux fois plus susceptibles de rester asymptomatiques par rapport à ceux qui ne le portaient pas, et la présence homozygote de HLA-B*15:01 augmentait encore davantage la probabilité de rester asymptomatique.
Une réactivité croisée des lymphocytes T avec des peptides du SARS-CoV-2 et d'autres coronavirus saisonniers
Pour comprendre la raison de cette association, les chercheurs ont étudié les lymphocytes T de donneurs pré-pandémiques porteurs de l'allèle HLA-B*15:01. Ils ont découvert que ces lymphocytes T étaient réactifs à un peptide spécifique du SARS-CoV-2 appelé NQKLIANQF. La plupart de ces lymphocytes T présentaient une mémoire immunologique et étaient hautement polyfonctionnels.
Les chercheurs ont également montré que ces lymphocytes T réactifs au peptide NQKLIANQF présentaient une réactivité croisée avec un peptide dérivé de coronavirus saisonniers. Cette réactivité croisée implique que les lymphocytes T préexistants pouvaient reconnaître des peptides similaires issus de différents coronavirus. Pour comprendre la base moléculaire de cette réactivité croisée, les chercheurs ont analysé la structure des complexes HLA-B*15:01-peptide.
Ils ont découvert que les peptides NQKLIANQF et NQKLIANAF partageaient une similarité structurelle et étaient tous deux bien présentés par HLA-B*15:01, ce qui expliquait leur réactivité croisée. Les chercheurs ont également identifié des récepteurs T spécifiques aux peptides NQKLIANQF et NQKLIANAF qui étaient partagés entre différents individus, qualifiés de récepteurs T publics. Ces récepteurs T de haute affinité pour les peptides jouaient un rôle clé dans l'immunité préexistante médiée par HLA-B*15:01.
Il est important de noter que cette étude comporte certaines limites, notamment l'utilisation de résultats et de symptômes auto-déclarés dans la cohorte d'étude et le fait que les résultats de l'association de HLA-B*15:01 avec l'infection asymptomatique ne sont basés que sur des individus s'identifiant comme étant d'origine européenne. Des études supplémentaires seront nécessaires pour évaluer l'applicabilité de ces résultats à d'autres populations ethniques. Malgré ces limitations, les découvertes de cette étude fournissent des informations précieuses sur l'immunogénétique de l'infection asymptomatique par le SARS-CoV-2 et ouvrent la voie à de nouvelles recherches dans ce domaine.
Dr Alessia Melzani