Paris, le vendredi 13 mars 2020 – Hier soir, Emmanuel Macron a
annoncé une série de mesures pour faire face à la pandémie* de
Covid-19 en France. Sans revenir en détail sur celles-ci (que nous
avons déjà évoquées :
Urgent. Covid-19 : Emmanuel Macron annonce la fermeture des écoles
dès lundi), nous tenterons ici de faire le tour des difficultés
d’application de certaines d’entre elles et de revenir sur les
débats qu’elles pourraient susciter.
Qui va garder les enfants ?
Décision la plus lourde de conséquences : la fermeture des
crèches, écoles, lycées et universités, qui entraineront, sans nul
doute, de grandes difficultés pour des millions de Français et
notamment les soignants. Cependant, le Président de la République a
promis un service de garde spécial pour ces derniers. Mais cette
solution interroge. S’agira-t-il d’une garde individuelle ou
collective ? Dans le premier cas, on peine à imaginer comment elle
pourrait être organisée (et financée), dans le second, on pourra
discuter les risques épidémiologiques d’un tel dispositif.
Enfin, certains pourraient considérer qu’il existe d’autres
catégories de professionnels pour lesquels le télétravail est
impossible et dont la continuité de l’exercice est indispensable
pour la sécurité de la nation, qui pourraient donc avoir besoin
d’un tel soutien.
Plan blanc : une gestion des lits
indispensable
Emmanuel Macron est également revenu sur la mise en place
généralisée du plan blanc, en pratique, principalement, le report
des « interventions non urgentes ». Indispensable, cette
mesure nécessitera sans doute le déblocage d’un soutien budgétaire
supplémentaire pour compenser les pertes financières (l’hôpital
restant largement soumis à la tarification à l’activité) ; des
demandes dans ce sens se sont d’ailleurs multipliées ces derniers
jours. Si elle est indispensable, c’est notamment pour faciliter la
gestion des lits de réanimation, qui sont autour de 5 000 en France
(un nombre comparable à l’Italie) et des lits de soins intensifs
(11,6 pour 100 000 habitants contre par exemple 29,2 lits pour 100
000 en Allemagne). Or, comme le JIM il y a quelques jours, le Pr
Mark Handley professeur à l’University College de Londres souligne
que la courbe de progression des cas de contamination par le
Covid-19 en France est la même que celle de l’Italie, mais avec 9
jours de retard (graphique). Cette observation confirme la
nécessité d’insister dans cette crise sur les moyens des services
de réanimation afin de se concentrer sur la gestion des cas les
plus graves.
Revirement sur les masques
La préparation des établissements de santé et au-delà de
l’ensemble des professionnels de santé passe également par la
distribution de mesures de protection en nombre suffisant. Le sujet
n’a pas été abordé par le Chef de l’Etat. Ce matin,
cependant, ajoutant un nouvel épisode aux revirements autour de
l’efficacité et de la pertinence des masques chirurgicaux vs les
appareils respiratoires, le ministre de la Santé Olivier Véran a
annoncé que des masques de protection de type FFP2 allaient
finalement être distribués aux médecins généralistes de ville, en
priorité dans les zones où le coronavirus est le plus actif, puis
sur l’ensemble du territoire…Ces même FFP2 avaient pourtant été
considérés comme superfétatoires il y a quelques jours sur la foi
d’une étude publiée dans le JAMA. Une situation d’autant plus
ubuesque puisqu’on promet des FFP2 à des soignants qui n’ont pas
tous bénéficié de la distribution de masques chirurgicaux
!
Ceux qui croyaient à la riposte, ceux qui n’y croyaient
pas
Le monde paraît aujourd’hui être divisé entre ceux qui
considèrent qu’on en fait trop et ceux qui jugent encore
insuffisantes les mesures prises par les autorités.
Parmi les premiers, certains estiment que le Président a fait
une erreur d’appréciation par exemple en qualifiant l’épidémie de
Covid-19 de « plus grande crise sanitaire des 100 dernières
années », ce qu’elle n’est probablement pas pour l’heure (que
l’on songe à l’épidémie de Sida, de tuberculose…).
Les autres, au contraire, s’étonnent qu’on ne mette pas à
contribution les armées, probablement (on l’espère) encore dotées
d’équipes mobiles de réanimation et de stocks de masques. Dans cet
esprit, certains commentateurs, à l’instar de Jacques Attali,
appellent comme en temps de guerre à mobiliser toute l’industrie
française pour la fabrication rapide de masques et de
respirateurs.
Il est probable que sans nécessairement aller jusqu’à la
mobilisation de l’armée, le gouvernement durcisse dans les heures
et les jours à venir encore ses mesures. Il a d’ailleurs annoncé ce
matin l'interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes
qui « s'appliquera sur tout le territoire national et dès
maintenant (…) ça veut dire évidemment des conséquences importantes
pour les théâtres, pour les cinémas… ».
Au-delà des débats, restent les chiffres (dont nous savons
combien l’interprétation peut être complexe).
Dans le monde, on colligeait ce matin 135 467 personnes
testées positives pour le SARS-CoV-2 (+ 9205 en 24 h) depuis le
début de la flambée, dont 4981 décès (+ 340 en 24 h).
Situation la plus préoccupante : celle de l’Italie où le Covid-19
continue ses ravages chez les personnes âgées et les plus fragiles
avec 1 016 décès (189 en 24 h). En France on déplorait 13 nouveaux
décès pour la journée du 12 mars.
*Le mot est de l’organisation mondiale de la santé
Réunion fébrile au sommet. Des représentants de tous les secteurs. En est sorti le plan "Bachelot". Celui là même que les hautes autorités appliquent aujourd'hui. Trois stades, chacun correspondant à la propagation du virus. Avec à chaque stade des mesures correspondant à la nécessité du "The show must go on". Quoi qu'il arrive. Si ma mémoire est bonne, en phase trois, pandémie (mondiale donc), 80% de malades, on paralyse tout sauf les médicaments et l'alimentation, l'armée accompagne les camions, les PS retraités sont réquisitionnés et remis au boulot... Même s'il ne reste que 20% de valides. Efficace sur le papier. Mais aujourd'hui ? Jupiter a sorti l'arme suprême pour quoi ? 500 nouveaux cas par jour, il faudrait donc 30 ans pour contaminer tous les français... On raisonne "politique". Si on raisonnait médecine de guerre, on prendrait quelques précautions, celles de la phase 1 et c'est tout. Ca changerait quoi ? La durée, c'est tout. Pas le nombre total de décès.
Dominique Barbelet
Médecins hospitaliers et personnel soignant à Paris
Le 15 mars 2020
Nos confrères médecins continuent d'assurer leur travail. Nombre d'entre eux utilisent les transports publics car il n y a pas de parking dans les hôpitaux et que le parking public ou privé est trop cher. Les pouvoirs publics, mairie chefs d'établissements devraient leur faciliter les choses. Parking gratuit à proximité ou places dans les hôpitaux quand cela est possible.