La goutte représente le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires de l’homme adulte. Elle est due à la formation de microcristaux d’urate monosodique (UMS), conséquence d’une hyperuricémie chronique, et à leur dépôt dans les articulations et les tissus. L’irruption de ces microcristaux d’UMS dans la cavité articulaire est à l’origine d’une réaction inflammatoire articulaire aiguë. Cette dernière a fait l’objet de nombreux travaux expérimentaux in vitro et in vivo et l’interaction entre les cristaux d’UMS et les cellules inflammatoires est de nos jours beaucoup mieux précisée.
Les microcristaux d’UMS vont déclencher la réaction inflammatoire par plusieurs mécanismes.
La voie de la phagocytose
Après leur irruption dans l’articulation, les microcristaux d’UMS sont phagocytés par les cellules de la synoviale qui vont ensuite libérer des enzymes lysosomales et secréter des cytokines inflammatoires, en particulier, l’interleukine 1 et le TNF-alpha. Des immunoglobulines de type IgG présentes à la surface des cristaux favorisent leur phagocytose. Les cytokines inflammatoires déclenchent la réaction inflammatoire en stimulant l’expression endothéliale des molécules d’adhésion responsables du recrutement des monocytes sanguins et des neutrophiles au site de l’inflammation.
Immunité innée et inflammasome
Par ailleurs, on sait maintenant que les cristaux d’UMS interagissent aussi avec le système immunitaire inné et l’inflammasome pour aboutir à la formation d’interleukine 1 (IL-1) bêta par les monocytes.
Les cristaux d’UMS peuvent ainsi activer directement les leucocytes en se liant à des récepteurs situés à leur surface, les TLR (Toll-like receptor), famille de récepteurs trans-membranaires jouant un rôle clé dans le système immunitaire inné antimicrobien. Il a notamment été montré, chez des souris, qu’en se liant aux récepteurs TLR-2 et TLR-4 des monocytes, les cristaux d’UMS sont capables de provoquer l’afflux de polynucléaires neutrophiles et la sécrétion d’IL-1 bêta.
Les cristaux d’UMS peuvent aussi activer les leucocytes
directement en provoquant l’assemblage de l’inflammasome.
L’inflammasome est un complexe protéique intracellulaire, qui a un
rôle important dans l’inflammation humaine. Il est formé du NAPL3,
qui en se liant à l’ASC (apoptosis-associated speck-like
protein containing a CARD), active la caspase 1. Une fois
activée, la caspase 1 est responsable du clivage dans la cellule de
la pro-IL-1 bêta en IL-1 bêta active, qui va ensuite être libérée
dans le milieu extracellulaire. Le NAPL3 (ou cryopyrine) appartient
à la famille des récepteurs NOD-like qui sont impliqués dans la
détection des produits microbiens et la réponse immunitaire innée.
Différentes mutation du gène NALP -3 sont responsables de
maladies héréditaires auto-inflammatoires. Dans la goutte,
l’inflammasome est responsable d’un effet inflammatoire par une
surproduction d’IL-1 bêta par les monocytes.
Ces progrès dans la physiopathologie de la goutte et la
compréhension du rôle important joué par l’inflammasome et l’IL-I
bêta dans le déclenchement et l’amplification de l’inflammation,
ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques.
En particulier, dans des modèles animaux de goutte,
l’administration d’anticorps anti-récepteur de l'interleukine-1
permet de diminuer significativement l’inflammation.
En Clinique humaine, un antagoniste des récepteurs de
l'interleukine-1 (anakinra) a également donné des résultats
intéressants (A. So et coll., Arthritis Res Ther 2007 ; 9 : R28).
Dans cette étude pilote en ouvert, 10 patients ayant une goutte ne
répondant pas au traitement anti-inflammatoire classique ont reçu
de l’anakinra à raison de 100 mg/jour pendant 3 jours. Ce
traitement, bien toléré, a permis une résolution rapide des
symptômes.
A suivre…
Dr Isabelle Birden