Par le docteur Alain Fisch *
En ce temps-là, les gens étaient crédules et superstitieux. Que deux évènements surviennent au même moment, ils ne manquaient pas de penser que l’un était la cause de l’autre.
Et bien, cela dure encore, comme si l’humain était condamné à n’avoir de seul critère de causalité que la co-incidence temporelle.
Les exemples de ce déficit d’analyse sont multiples : citons l’un d’entre eux, particulièrement amusant, ou plutôt affligeant. Le 16 juillet 1969 est lancée par la Nasa la fusée lunaire Saturn 5, programme Apollo 11. Neil Armstrong sera le premier humain à poser son pied sur la Lune. La médiatisation est gigantesque. Dans le même temps survient une importante épidémie de conjonctivite aiguë virale hémorragique en Afrique de l’Ouest liée à l’Enterovirus EV70. Les populations font immédiatement le lien entre ces deux évènements et en accuse le responsable : Apollo 11. A tel point que l’Enterovirus finira par porter le nom de virus Apollo. La relation de cause à effet ne fait effectivement aucun doute !
Bien loin de John Stuart Mill et Austin Bradford Hill
Dans l’histoire, de nombreux philosophes et penseurs (comme John
Stuart Mill, 1843) et scientifiques ont tenté de mettre un terme à
cette pensée primitive, sans grand succès puisqu’elle perdure. Plus
récemment, en 1965, Austin Bradford Hill proposa sept critères de
causalité nécessaires avant d’incriminer n’importe quoi, n’importe
qui, désormais universellement reconnus.
1. Relation temporelle : certes, mais
aussi…
2. Force de l’association (exemple historique :
il y a une forte association entre le tabagisme et le cancer
bronchique).
3. Relation dose effet (même exemple : plus le
tabagisme est important, plus le risque cancéreux l’est
aussi).
4. Temporalité de l’association : la cause
suspectée doit impérativement précéder l’apparition de la maladie
étudiée ; de la même manière, si disparaît la cause suspectée, la
morbidité qui lui est imputée doit décroître
proportionnellement.
5. Spécificité de l’association : une cause
suspectée ne doit conduire qu’à la seule conséquence
suspectée.
6. Reproductibilité : si une seule équipe de
chercheurs trouve l’association entre la cause suspectée et la
conséquence, la probabilité de lien causal est très faible ou
nulle. Plus le nombre d’équipes est élevé qui retrouvent le lien,
plus le lien est fort.
7. Plausibilité biologique de l’association. Plus
l’association entre l’agent causal et la maladie est compatible
avec les données de la science, plus fort sera ce critère ; et
inversement.
Après les vaccins ROR, hépatite B… le vaccin Gardasil® contre les
papillomavirus responsables des cancers du col utérin est
aujourd’hui attaqué par des ligues anti-vaccins. Attaqué par des
gens qui n’ont pour seul critère de causalité que celui de la
cohérence chronologique - soit un critère sur sept ! Le Moyen-âge
et ses superstitions sont toujours là.
Sur les délires et ravages de ceux qui ne respectent pas
ces critères de bon sens, aux USA : voir
http://www.contrepoints.org/2014/04/16/163023-les-vaccins-oppression-etatique
Reproduit avec l'aimable autorisation du site Santé-Voyages.com
*Centre hospitalier Villeneuve Saint-Georges.