Monsieur B., 25 ans, est hospitalisé pour la première fois
sous contrainte pour un épisode psychotique aigu. Le patient
présente des idées délirantes de thèmes mégalomaniaque et
persécutif. Plutôt calme quoiqu'enjoué, il raconte de façon très
construite qu'il est un footballeur d'envergure internationale,
qu'il a pris des contacts avec les plus grands clubs et qu'il
prétend à une carrière professionnelle exceptionnelle. (Il a
d'ailleurs voyagé, aux Etats-Unis en 1994 pour la coupe du monde et
en 1995 à Barcelone où il a pris quelques contacts auprès du
football club). Les mécanismes sont interprétatifs, intuitifs et
imaginatifs. Il reçoit des signes à son
intention dans le journal «L'équipe».
En cours d'hospitalisation le ton devient agressif. Avec colère il évoque le complot ourdi contre lui par la Fédération française de football et dont nous serions les complices, il accuse l'équipe soignante d'empoisonner l'eau...
Après plusieurs semaines de traitement neuroleptique, le délire s'abrase lentement et la conviction délirante est entamée. Il persiste néanmoins une réticence aux soins. L'évolution immédiate est émaillée de fluctuations thymiques plutôt hypomanes qui amènent à associer un thymorégulateur. A sa sortie, une orientation en appartement thérapeutique est faite, mais ce projet prend fin brutalement quelque temps plus tard avec le départ soudain du patient.
Deux ans après, il est à nouveau hospitalisé dans le service. On apprend qu'il a effectué un séjour de plusieurs semaines dans un autre hôpital. Le courrier de sortie évoque une «décompensation maniaque avec éléments délirants», mais aussi des «barrages et des attitudes bizarres». Son traitement de sortie associe thymorégulateur et neuroleptique.
La dernière hospitalisation survient alors qu'il s'apprête à partir pour Barcelone rejoindre le «BARCA», son fameux club de football. Le patient est normothymique à l'entrée. La conviction délirante de thématique «footballistique» est totale et reste grandiose. La dimension persécutive est cette fois très intense, avec risque majeur de fugue et d'hétéro-agressivité nécessitant le recours à l'isolement et à un important traitement neuroleptique injectable.
Malgré un traitement associant
35 mg d'halopéridol et 350 mg de lévomépromazine par jour, et même
si le contact est nettement moins marqué d'hostilité, la conviction
délirante reste inaltérée. Le patient se dit au centre d'un complot
«footballistique» et politique gauchiste, et menace de refuser de
jouer en équipe de France si on ne le libère pas... On observe de
plus une sédation excessive ainsi que d'importants troubles
extrapyramidaux secondaires au traitement et peu améliorés par un
correcteur.
Devant cette évolution, le diagnostic de schizophrénie paranoïde est retenu et nous décidons de substituer au traitement neuroleptique classique la prescription de rispéridone (Risperdal). Dix jours après l'introduction de ce médicament, on observe une abrasion spectaculaire du processus délirant, l'amorce d'une critique, des propos plus nuancés, un retour progressif à la réalité et la restauration d'un contact satisfaisant. Les effets secondaires disparaissent totalement et la stabilisation clinique s'opère en 15 jours environ.
Un mois plus tard le patient peut intégrer un appartement thérapeutique.
A ce jour, soit 2 mois après sa sortie, il a retrouvé du travail comme agent commercial dans une entreprise et cherche un appartement. Sa réinsertion sociale est spectaculaire.
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