Les pathologies liées au cholestérol ne sont pas l'apanage de l'adulte. Le processus athérosclérotique en rapport avec une hypercholestérolémie débute en effet dès l'enfance. Les enfants et adolescents hypercholestérolémiques ont un risque plus important de conserver un taux de cholestérol élevé à l'âge adulte. La prévention des maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité dans le monde occidental, est donc devenue un enjeu majeur de pédiatrie.
Le conseil diététique et son impact
Une étude a examiné l'impact du conseil diététique sur une série de 104 enfants présentant une dyslipoprotéinémie primaire âgés en moyenne de 8 ans.
Au début de cette étude, le cholestérol-LDL (Low Density Lipoprotein) se situait au-dessus du 75ème percentile chez 95% d'entre eux (86% étaient au-dessus du 90ème percentile) ; 5% présentaient un taux de cholestérol-HDL (High Density Lipoprotein) inférieur au 10ème percentile. Les deux tiers des enfants ont suivi un régime diététique jugé convenable sur la base d'un questionnaire portant sur 3 jours de régime en début et en fin d'étude, soit en moyenne, 7 mois plus tard. Moins de 30% de l'apport énergétique global était d'origine lipidique, moins de 12% provenait de lipides saturés. L'apport quotidien de cholestérol était inférieur à 100 mg par 4200 Kj (1000 Kcalories) et ne dépassait pas 200 mg par jour.
Malgré cette bonne compliance, seuls 19% des enfants ont vu leur cholestérol-LDL diminuer de plus de 15% mais cette baisse n'était pas significativement associée au suivi des recommandations nutritionnelles. En revanche, une hausse du cholestérol-HDL enregistrée chez 28% d'entre eux était significativement corrélée à un bon suivi diététique. Il est intéressant de noter qu'une réduction trop importante de l'apport lipidique faisait chuter le taux de cholestérol-HDL. A l'inverse, l'augmentation de l'absorption de lipides, notamment d'acides gras mono-insaturés, chez des enfants très restreints en graisses faisait augmenter leur taux de cholestérol-HDL.
Plusieurs hypothèses telles qu'une mauvaise évaluation du suivi diététique, ou des apports conseillés en lipides trop élevés, peuvent expliquer l'impact décevant du régime sur la baisse du cholestérol-LDL. Il est toutefois possible que la diminution des taux lipidiques dans cette population d'enfants soit simplement peu sensible à un régime diététique.
Compliance au suivi médical et diététique
Une autre étude a été réalisée chez 1 160 enfants âgés de 2 à 18 ans afin d'étudier leur compliance et celle de leur famille à un dépistage de l'hypercholestérolémie, puis à un programme nutritionnel adapté aux résultats de ce dépistage.
Cette étude s'inscrivait dans le cadre d'un plan gratuit de santé publique gommant donc toute barrière financière au suivi médical. Sur les 1 160 enfants contactés, 529 (46%) avaient une histoire familiale d'hypercholestérolémie ou de maladie cardiovasculaire. Bien qu'un dosage gratuit du cholestérol ait été proposé à ces 529 enfants, près d'un tiers des parents l'ont refusé. Par ailleurs, parmi les enfants ayant un taux de cholestérol supérieur à 4,80 mmol/l (1,85 g/l) lors du premier dépistage, 38% ont refusé un deuxième test mesurant le taux de cholestérol-LDL. Sur les 58 enfants ayant accepté ce dernier test, 25 (43%) avaient des valeurs de cholestérol-LDL supérieures à 3,25 mmol/l (1,25 g/l) et se sont vus proposer un programme nutritionnel de 3 ou 6 semaines.
Ce régime a été accepté par seulement 9 enfants (36%) et refusé par les 16 autres (64%) ! Il apparaît donc pour le moins difficile d'obtenir une bonne compliance des parents (même dans un contexte familial à risques) à un programme simple de dépistage comprenant seulement 2 mesures de cholestérol et un programme diététique modérément contraignant. Ceci peut s'expliquer par les problèmes que rencontrent les thérapeutes quand ils tentent de sensibiliser les parents à une anomalie biologique sans symptômes, et lorsque les moyens de lutte remettent en cause des habitudes de vie.
Quelle cible pour le dépistage ?
La question de la définition de la cible du dépistage de l'hypercholestérolémie au sein de la population pédiatrique reste actuellement controversée.
Le dépistage des seuls enfants issus de familles à risque aurait l'intérêt de sélectionner une population plus compliante vis-à-vis des décisions diététiques, mais pourrait également présenter l'inconvénient de désigner ces enfants comme potentiellement "malades", et, à terme, de nuire à leur comportement ; de plus, il apparaît que certains parents, trop zélés dans le respect des règles diététiques proposées par les médecins, empêchent la croissance normale de leur enfant en le privant d'un apport calorique suffisant.
Le dépistage systématique présente l'avantage de ne pas discriminer a priori l'enfant à risques. Mais outre son coût social particulièrement important, la mauvaise corrélation entre les recommandations diététiques actuelles, même convenablement respectées, et l'amélioration du bilan lipidique limitent l'intérêt d'un tel dépistage.
Aux grands maux, les grands remèdes
Une approche plus "agressive" du problème, recommandant non seulement le dépistage de tous les enfants, mais aussi la revue à la baisse de la limite du taux de cholestérol considéré comme "normal" et la réduction de la proportion de graisse acceptable dans la ration quotidienne en-dessous de la barre couramment admise de 30% de l'apport calorique total, pourrait donc se concevoir.
Un tel programme, à l'évidence plus facile à faire passer auprès des enfants qu'auprès de leurs parents, nécessiterait une modification profonde des mentalités et des habitudes alimentaires, mais serait certainement suivi d'effets bénéfiques sur la mortalité par maladies cardiovasculaires. Le sorbet est en effet une alternative acceptable à la crème glacée.
Eric Vilain
1) Mietus-Snyder M. et coll. : "Effects of nutritional counseling on lipoprotein levels in pediatric lipid clinic". Am. J. Dis. Child., 1993 ; 147 : 378-381.
2) Bachman R.P. et coll. : "Compliance with childhood cholesterol screening among members of a prepaid health plan". Am. J. Dis. Child., 1993 ; 147 : 382-385.
3) Berenson G.S. et coll. : "Cholesterol : myth vs reality in pediatric pratice". Am. J. Dis. Child., 1993 ; 147 : 371-373.
4) Einhorn P.T. et coll. : "Cholesterol measurement in children". Am. J. Dis. Child., 1993 ; 147 : 373-375.
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