Dépister le diabète gestationnel précoce : peu d’intérêt ?

Les recommandations de la Société Francophone du Diabète (SFD) et du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) ont proposé en 2010 comme seuil pour le diagnostic de diabète gestationnel en début de grossesse des glycémies à jeun entre 0,92 g/L (5,1 mmol/L) et 1,25 g/L (1). La recherche d’un diabète méconnu par une glycémie à jeun est recommandé lors de la première consultation prénatale si la femme présente au moins un des facteurs de risque suivants : âge maternel > 35 ans, IMC > 25 kg/m2, antécédents de diabète chez les apparentés au premier degré, antécédents personnels de DG ou d’enfant macrosome. Les patientes ayant un tel diabète gestationnel précoce doivent être prises en charge par des mesures diététiques, une activité physique,des auto-surveillances et, si nécessaire, un traitement par insuline. Auparavant, le diabète gestationnel était dépisté entre la 24ème et la 26ème semaine d’aménorrhée. Cette stratégie permet-elle d’améliorer le pronostic des grossesses ? Afin d’apporter des éléments de réponse à cette question, une équipe de l’AP-HP de Paris a comparé chez les femmes ayant accouché (entre 2012 et 2016) la survenue d’un critère composite (prééclampsie ou enfant de poids élevé pour l’âge gestationnel ou dystocie des épaules) selon qu’un dépistage du diabète gestationnel avait été réalisé ou non avant 22 semaines d’aménorrhée (2). 

Les deux populations étaient légèrement différentes puisque les femmes dépistées tardivement (n = 5 190, 53,0 %) avaient des origines différentes (p < 0,0001) et moins de facteurs de risque de diabète gestationnel que les femmes dépistées précocement ± tardivement c'est-à-dire avant 22 semaines d’aménorrhée (n = 4 605). Le dépistage précoce ± tardif vs uniquement tardif était associé à plus de diabète gestationnel (23,3 vs 18,0 %, p < 0,001), une insulinothérapie plus fréquente (8,9 vs 6,0 %, p < 0,001) et une prise de poids gestationnelle moins importante (11,1 vs 11,4 kg, p = 0,013). L’incidence d’événements était identique chez les femmes dépistées précocement ou non (12,0 vs 11,6 %, p = 0,53), même après ajustement.

Cette étude observationnelle montre donc qu’une stratégie incluant un dépistage précoce du diabète gestationnel augmente le nombre de femmes prises en charge pour diabète gestationnel, mais sans améliorer le pronostic pendant la grossesse (2).

Cette étude va dans le même sens qu’une étude réalisée par le Pr Anne Vambergue (Lille) dans une large cohorte (2 948 patientes) et qui montre que le moment du diagnostic de diabète gestationnel « précoce versus tardif » ne semble pas modifier le risque de poids excessif pour l’âge gestationnel (3).

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Références
(1)Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction (2010) ; 39 : S338- S342.
(2)Cosson E et coll. : Le dépistage du diabète gestationnel précoce en population n’est pas associé à un meilleur pronostic ? Une étude observationnelle chez 9795 femmes.
(3)Vambergue A et coll. : Diabète gestationnel précoce versus diabète gestationnel tardif : analyse des issues de grossesses dans une cohorte de 2948 patientes.
35ème Congrès de la Société Française d’Endocrinologie (Nancy) : 12 – 15 septembre 2018.

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