
Les pathologies cutanées sur peau très pigmentées peuvent
différer de celles sur peau claire selon leur présentation mais
aussi leur fréquence et leur ressenti.
C’est un des thèmes qu’a abordé, au cours de ce congrès, le Pr
Antoine Mahé chef de service de dermatologie à Colmar qui a
contribué à la création d’un DU de « médecine de la
diversité », dont le but est de « sortir » la prise en
charge médicale de son ethnocentrisme actuel afin d’apporter des
soins adaptés à tous. La dermatologie est bien évidemment partie
prenante dans la poursuite de cet objectif.
La plupart des affections cutanées peuvent toucher les peaux
noires avec la même fréquence que les peaux claires. Mais l’aspect
qui diffère peut désorienter le clinicien. Tel est le cas par
exemple du pityriasis rosé de Gibert qui peut être très profus sur
peau sombre et prendre un aspect grisâtre. Seule la notion d’un
médaillon initial et la distribution des lésions selon les lignes
de Blashko sont susceptibles de mener au diagnostic. De même
l’érythème, qui accompagne de nombreuses dermatoses infectieuses ou
inflammatoires, est-il toujours difficile à apprécier sur peau
foncée, tandis qu’à l’inverse les affections responsables de
dyschromies, telles qu’une sclérodermie ou un lupus cutané
chronique peuvent être plus aisées à reconnaître. Pour rappel, la
sarcoïdose peut se manifester sous la forme de macules
hypopigmentées chez la personne à peau noire.
Certaines maladies sont relativement plus spécifiques comme
celles touchant le poil et le cheveu crépu : pseudo folliculites de
barbe, alopécies dont celles liées à certains modes de coiffure
chez la femme entraînant une traction importante.
Il a été aussi mentionné une dermatose bulleuse particulière à
type de pemphigus bullo-pustuleux touchant des sujets
afro-caraïbéens avec une immunofluorscence directe en IgA négative.
La tuberculose cutanée qui ne représente que 1,5 % des
manifestations extra-pulmonaires de la tuberculose peut être aussi
plus fréquente sur ce terrain et revêtir différentes formes
(chancre tuberculeux, tuberculose verruqueuse, scrofuloderme,
tuberculose miliaire, gomme tuberculeuse). L’histologie peut
suffire à initier une antibiothérapie, même si les cultures et la
PCR du BK sont négatifs. Enfin, l’infection par Scytalidium
hyalinum est responsable de mélanonychie difficile à distinguer
d’une mélanonychie ethnique. Le traitement en est très difficile,
seuls les « pulses » d’itraconazole semblant avoir une
certaine efficacité.
A l’inverse, les cancers cutanés et en particulier le mélanome
dus aux UV sont plus rares sur peau très pigmentée. Mais ils sont
de ce fait souvent diagnostiqués avec retard et ont alors un plus
mauvais pronostic. A ce propos, il a été souligné qu’il est de
bonne pratique, chez ces patients, de procéder à l’exérèse d’emblée
de lésions lentigineuses acrales sans biopsie préalable afin de ne
pas allonger les délais diagnostiques.
Enfin quelques dermatoses sont plus difficilement acceptées
par les personnes à peau noire parce que plus affichantes : il en
est ainsi du vitiligo mais aussi des hyperpigmentations liées aux
lésions d’acné et autres cicatrices. Cela justifie une prise en
charge plus « agressive ». Cependant les lasers et autres
techniques de médecine esthétique doivent être utilisés avec
prudence sur peau noire.
Dr Marie-Line Barbet