
L’opérateur humain qui est en règle un clinicien s’en sort bien la plupart du temps, au besoin en se creusant un peu la tête et en répétant les dosages, la notion de SCA aidant considérablement au diagnostic positif d’IDM. Quoi qu’il en soit, si une machine pouvait apporter son concours et dans un délai plus bref, personne ne s’en plaindrait : c’est en tout cas dans l’air du temps avec l’intelligence artificielle. Mais il faut en passer par le deeplearning en mettant au point un algorithme visant à diagnostiquer l’IDM en intégrant les variables qui affectent les taux de TnT cardiaque, qu’il s’agisse de l’âge, du sexe ou du délai écoulé entre les dosages sanguins.
L’algorithme d’apprentissage MI3, tout un programme
C’est là l’objectif d’une étude publiée dans Circulation dans laquelle l’algorithme d’apprentissage dit [MI3] (myocardial-ischemic-injury-index) conçu à cette fin a d’abord été formé sur la base de 3 103 patients atteints d’un SCA avec un risque plus ou moins élevé d’IDM. La troponine I (TnTI) a été utilisée en tant que biomarqueur cardiaque dans le modèle testé, deux dosages successifs espacés de trois heures étant présentés à la machine.L’algorithme MI3 repose sur la technique du gradient boosting pour calculer une valeur comprise entre 0 et 100 qui reflète la probabilité d’IDM de type 1 chez un patient donné, tout en estimant dans le même temps les performances diagnostiques de l’opération : sensibilité, valeur prédictive négative (VPN), spécificité et valeur prédictive positive (VPP).
Dans un second temps, le programme a été évalué au sein d’une cohorte de 7 998 patients chez lesquels le diagnostic d’IDM était également soupçonné. La calibration a été appréciée en partie par l’estimation de l’AUC (area under the receiver-operating-characteristic curve). Une analyse secondaire a pris comme exemples des seuils définis lors de l’entraînement de l’algorithme, lesquels avaient permis de distinguer des patients à faible risque (sensibilité 99 %) et à haut risque (VPP 75 %) Les performances atteintes avec ces seuils ont été comparées à celles obtenues par l’application des recommandations de l’European Society of Cardiology (ESC) pour interpréter les variations des taux plasmatiques de TnTI espacés de 3 heures et les considérer comme pathologiques.
Plus performant que les recommandations de l’ESC
Au total, un IDM est survenu chez 404 patients (13,4 %) de la
cohorte utilisée pour l’apprentissage, et 849 (10,6 %) dans la
cohorte de validation. L’algorithme MI3 a
fait preuve d’une calibration irréprochable avec une AUC très
élevée de 0,963 (intervalle de confiance à 95 % : 0,956-0,971),
indépendamment du temps écoulé par rapport aux symptômes
inauguraux.
Les seuils fixés grâce à l’algorithme pour identifier les
patients à faible risque et à haut risque d’IDM dans la cohorte
d’entraînement étaient respectivement de 1,6 et de 49,7. Dans la
cohorte de validation, des valeurs de MI3
<1,6 ont concerné 69,5 % des participants avec une VPN de 99,7 %
(99,5 %-99,8 %) et une sensibilité de 97,8 % (96,7-98,7 %). Des
valeurs de MI3 ≥ 49,7 ont été notées chez
10,6 %% des patients avec une VPP de 71,8 % (68,9-75,0 %) et une
spécificité de 96,7 % (96,3-97,1%).
L’apprentissage machine semble capable de déterminer la probabilité individuelle d’un IDM face à un SCA à condition de disposer d’un algorithme bien rôdé et validé, à l’instar de MI3 .Moyennant cette exigence qui suppose de mettre au point ce dernier avec le matériel adéquat, il est possible de distinguer les patients à faible ou haut risque d’IDM et d’affiner ainsi leur prise en charge le plus rapidement possible. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Autrement dit, un tel algorithme est-il un réel progrès dans la pratique courante ? Des questions qui méritent d’être posées, car l’intelligence artificielle n’a pas que des vertus dans le monde réel…
Dr Catherine Watkins